Croquis de l’opération de la Guera fait par Kader

lun, 12/19/2016 - 16:49

Après l’Accord International de Madrid du 14 novembre 1975 conclu entre la République Islamique de Mauritanie et le Royaume Chérifien du Maroc au sujet du Sahara, constituant la réunification des deux pays frères, le Polisario mécontent et manipulé par le Gouvernement algérien décida de passer à la phase armée.

C’est ainsi qu’il attaqua, lors de la première bataille du conflit du Sahara, la République Islamique de Mauritanie dans ses frontières reconnues universellement. L’un des héros de cette bataille, la fierté de l’armée mauritanienne et le père de son aviation militaire n’est plus de ce monde.

Il s’agit de feu Colonel Mohamed Ould Ba Ould Abdel Kader, dit ‘‘Kader’’,exécuté le 24 mars 1981 suite à sa tentative de Coup d’Etat du 16 mars 1981 destinée à rétablir la légitimité (selon l’expression du père de la Nation feu Président Mokhtar Ould Daddah) et à éviter la ‘’Polisarisation’’ de la Mauritanie par le régime du Colonel Haidallah.

Nous nous sommes référés aux écrits personnels de feu colonel Kader, et à ses propres mémoires pour comprendre comment notre armée a pu chasser héroïquement le Polisario du Nord du pays.

Tout a commencé le 09 décembre 1975 quand le Polisario appuyé politiquement et logistiquement par l’Algérie, attaqua Inal et Bir-Mogreine situés au Nord du pays. Mais la réplique de l’armée mauritanienne était conséquente et infligea à l’ennemi des pertes très élevées malgré son initiative d’attaquer.

Cette première bataille, comme les autres d’ailleurs, a été survolée par le Colonel Kader ( à l’époque commandant) qui disait dans ses mémoires : 'L’attaque de la Guera se fit le jour, à 15h00, dans une ambiance plutôt folklorique. La population de Nouadhibou n’était pas en reste. Elle accompagna le mouvement de nos troupes avec des « youyou ».

Au crépuscule, les troupes entrèrent en contact avec l’ennemi. L’accrochage s’est soldé par deux morts et quelques blessés de notre coté. Nos unités étaient fixées par le feu de l’ennemi.

Au lever du jour, elles se sont trouvées exposées, ce qui les obligea à replier dans un désordre écœurant. Pendant ce temps les éléments d’Inal et de Boulenouar se trouvaient dans le « black out » total. Ils n’avaient nullement l’impression d’appartenir au G1 (Groupement commandé par le Commandant Ahmedou Ould Abdalah). Beaucoup de choses leur manquaient, notamment des moyens (en hommes, armes et munitions).

Les ordres ne leur parvenaient pas non plus. L’Etat major national (EMN) a été amené à se substituer au G1 dans certains cas particuliers (satisfaction des besoins des unités exprimées directement par elles).

Cette situation est devenue presque effective lorsque rien n’allait plus. Le chef d’Etat major national (feu Colonel Ahmed Ould Mahmoud Ould Houcein) et moi-même sommes allés à Nouadhibou pour suivre de prêt les opérations et redresser certaines erreurs.

Très vite, nous nous sommes trouvés dans l’ambiance ; une ambiance dominée par le désordre et la confusion. Une psychose de peur s’est abattue sur les unités combattantes qui, six jours durant avancent et reculent. La Guera leur semblait imprenable. Le commandant du G1 (Cdt Ahmedou O/ Abdalla) semblait faire du combat une affaire personnelle. Il n’avait de compte à ne rendre à personne.

Il ne permettait à ses officiers aucune initiative. Ceux-ci, commençaient à perdre confiance en eux et en leur chef, tout au moins pour le plus part. Le pays tout entier commençait à se poser des questions. Le gouvernement ne comprenait plus'.

Le 16 décembre à 17h, l’ennemi passa à l’offensive. Les troupes mauritaniennes furent heurtées, facilitant le mouvement des véhicules ennemis ainsi que ses ravitaillements éventuels. Il était éminemment important donc réagir efficacement.

Le 17 décembre 1975, le Commandant des forces aériennes Kader et le Chef d’état-major national le Colonel Ahmed ould Mahmoud Ould Houcein, esquissèrent un premier plan d’investissement de la Guera.

Mais il leur fallait davantage de précisions qu’ils n’en possédaient. C’est ainsi que Kader reprit les ‘’AIRS’’ pour localiser les positions de l’ennemi dans la Guera et sa périphérie. Il effectua un plan précis où l’on pouvait voir les positions de l’ennemi, les voies ferrées, ainsi que les éventuelles fuites de celui-ci.

 

Croquis de l’opération de la Guera fait par Kader

Simultanément, Kader devait préparer une autre opération qui consistait à bombarder la Guera par avion, un avion de transport ! disait-il. En tout état de cause, Kader reprend contact avec le chef d’état-major national afin d’approfondir le plan d’action à engager. Les deux hommes y travaillèrent toute la nuit.

Le 18 et le 19 décembre, Kader effectua des reconnaissances avec à son bord des officiers de l’artillerie, en vue d’achever le plan. Le 19 au soir, tout était prêt. Les ordres étaient rédigés, la coordination des opérations mises au point. D’après le Commandant des forces aériennes le plan était simple :'Le 20 décembre 1975 à 06h40 devait commencer par des papillonnements de l’artillerie sur des objectifs repérés.

Cette phase devait durer au moins une heure. Apres quoi les tirs de l’artillerie devaient être reportés sur l’objectif secondaire (axe de fuite de l’ennemi). A ce moment, les troupes d’assaut (3 escadrons) motorisés devaient effectuer un mouvement rapide et s’introduire dans la Guera pour livrer un combat de rue, suivi du ratissage et de l’occupation du village tout en étant en mesure de poursuivre leur action vers le Nord.

Pendant cette phase les 3è et le 7è EDC devaient intervenir dans le sillage des troupes d’assaut couvrant leurs arrières et effectuent un travail de finition. Le 5è EDC installé dans la partie EST du « goulot » devait interdire la fuite de l’ennemi. Cet escadron devait, lui-même, être couvert par le 9è EDC vers le nord et rendre toute fuite impossible.

Mais le commandant du G1 s’est opposé à l’emploi de cet escadron (9è) préférant le laisser à Boulenouar. Deux heures avant l’action, le commandant du G1 et les officiers commandants d’unité ont été convoqués et leurs missions respectives leur ont été signifiées. A 06h40, l’action a commencé. À ma grande surprise, le commandant du G1 fit intervenir les unités motorisées jusqu’à la porte de la Guera pendant les tirs de repérage de l’Artillerie.

Ce fut catastrophique. Les unités étaient obligées d’abandonner leurs véhicules pour s’accrocher de nouveau au terrain. Le plan d’action était sérieusement compromis. Le chef d’EMN en prit un »coup ».

Tout lui semblait perdu. Mais je n’étais pas aussi convaincu que lui. Un redressement était possible. Mais il fallait faire vite. Je rentrai aussitôt en contact avec le commandant du G1 pour lui demander l’autorisation de faire intervenir le 7è EDC car visiblement les troupes d’assaut étaient clouées au sol. Il rejeta ma proposition.Je lui demandai quelles étaient ses intentions. Il me répondit qu’il envisageait regrouper ses véhicules, embarquer ses unités pour reprendre le mouvement sur la Guera.

J’ai réagi aussitôt, l’aidant à les regrouper. Mais le temps passait. La situation ne semblait guère s’améliorer. Je pris contact avec le chef d’EMN et lui fit part de certaines propositions qu’il admit. Il fallait faire intervenir la section de mortier lourde (120) pour neutraliser les positions ennemies qui empêchaient la progression de nos éléments. Le travail fut efficace. 16h45, le commandant nous rejoint le chef d’EMN et moi-même. Il était blessé.

Le CEMN lui conseilla d’aller à l’infirmerie se soigner. Ce fut le moment salutaire pour nous. C’est malheureux à dire, mais c’est la vérité. J’intervins alors, demandant au CEMN l’autorisation de jouer la solution qui me hantait depuis le début de la catastrophe. Il m’autorisa.

J’ai rejoint aussitôt le 7 EDC qui semblait déjà deviner mon intention. Très rapidement, il fit embarquer ses hommes et sur mon ordre le mouvement a commencé en direction de la Guera avec la consigne de ne jamais s’arrêter avant d’être à l’intérieur du village.

L’opération fut exécutée en une ½ heure. Les hommes étaient décidés. Un combat de rue fut livré sans aucune perte de notre coté. L’ennemi rencontré a été ou capturé ou détruit. La population civile a été épargnée. A 17h35, la Guera a été investie. Le commandant du G1 nous rejoint, alors, un pansement au visage. Je me suis retiré, laissant des consignes aux éléments ayant participé avec moi à l’action décisive'.

écrit le Colonel Kader Commandant des forces aériennes mauritaniennes. Peu de jours après, le Commandant Ahmedou Ould Abdalah fut relevé de son poste de commandement du G1 pour être remplacé par l’un des officiers des plus gradés de l’armée mauritanienne : Le Colonel Viah Ould Maâyouf.

 

Docteur Sidi Mohamed Abdel Kader (fils de feu Colonel Kader).

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