Interview avec Fatimetou Mint Mohamed Saleck, ancienne Ministre

jeu, 12/08/2016 - 12:36

Dr Fatimetou Mint Mohamed Saleck, ancienne ministre aux Nouvelles technologies, était l’une des invitées VIP du Forum d’Alger pour les investissements en Afrique, qui vient de clore ses travaux.

Ce rendez-vous exceptionnel de l’économie, du business et de la diplomatie a réuni des milliers de leaders africains. Elle nous en dit davantage sur le Forum et aussi sur sa candidature au poste de Commissaire de l’Union Africaine pour les ressources humaines, la science et la technologie…

Question : Madame vous venez de présider la conférence en plénière sur le Numérique du Forum d’Alger pour les investissements en Afrique. Quelles en sont les Conclusions ?

Fatimetou Mint Mohamed Saleck : Effectivement, l’Algérie m’a invité à cette importante rencontre. Je voudrais saisir cette opportunité pour remercier tous les organisateurs du Forum et les féliciter du succès de ce Rendez-vous d’Alger qui a réuni plus de 3500 participants venant de toute l’Afrique, parmi lesquels des représentants de gouvernements, des hommes d’affaires, des investisseurs et des partenaires au développement…

De nombreux débats ont eu lieu sur des thèmes cruciaux pour le développement en Afrique comme la question des ressources humaines, l’énergie, les mines, l’agriculture, le bâtiment, les infrastructures, … J’ai présidé, en effet, la plénière sur le numérique, qui traitait de la connectivité numérique mais aussi plus généralement des infrastructures (transports, énergies, télécommunications, .. ).

Plusieurs responsables gouvernementaux, des opérateurs privés et investisseurs y étaient conviés. Sans prétendre à l’exhaustivité, eu égard à la richesse des contributions, je pense qu’on peut retenir les 6 observations conclusives suivantes :

1. que les infrastructures, en général et celles du numérique en particulier, constituent un axe stratégique essentiel pour le développement de notre continent et une grande opportunité d'investissements,

2. qu’il est judicieux d'exploiter les fortes convergences économiques entre des sous-secteurs tels que ceux des travaux publics, de l'énergie, de l'Habitat, de l'Hydraulique et d’autres pour décupler la connectivité numérique en Afrique où, plus que jamais et plus qu'ailleurs, tout est à construire!

3. que le secteur privé y trouvera d’énormes opportunités, y compris en partenariat avec le public, et qu’il jouera un rôle de plus en plus important,

4. Mais au préalable, un effort de renforcement institutionnel, de la sécurité juridique est indispensable à ancrer judicieusement dans chacun de nos pays.

5. pour ce faire, la formation des ressources humaines devra rapidement être intensifiée.

6. Qu’enfin, à en juger de la teneur des débats, l'Algérie a eu raison de faire de ce sujet du Numérique et des infrastructures un pôle-objet à renforcer sous tous ses angles.

 

Question : Est-ce que le déficit constaté dans les investissements en Afrique de l’Algérie qui est toute proportion gardée, l’une des puissances continentales, sera comblé par la bonne initiative de la tenue de ce forum ?

FMMS : Comme vous le savez, la diplomatie algérienne a une longue vocation panafricaniste. L’Algérie a activement soutenu nombre de pays africains dans leur lutte pour recouvrer leur indépendance et dans ce sillage elle a bâti de solides relations diplomatiques qui trouvent leurs racines dans l’histoire. Elle a également joué un grand rôle dans la création de l’Union Africaine. L’Algérie a aussi une grande vision pour l’Afrique, puisqu’elle a été, avec trois autres pays (l’Afrique du Sud, le Nigéria et le Sénégal), à l’initiative du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) qui a pour ultime objectif de combler le retard qui sépare l'Afrique des pays développés.

Malgré cela, l’Algérie n’accorde aujourd’hui au reste de l’Afrique que 5% de ses investissements quand le Maroc lui en réserve près de 50%. Ce rendez-vous d’Alger traduit forcément une prise de conscience, et représente une énorme opportunité d’échanges entre entrepreneurs, hommes d’affaires, opérateurs et autres acteurs de l’économie africaine. Les participants partagent l’espoir que les résultats de ce Forum contribueront à l’élaboration d’un plan d’action pour l’intensification de la coopération économique de l’Algérie avec le reste du Continent. On peut donc penser que les jalons sont bel-et-bien désormais posés pour combler ce déficit.

 

Question : A propos de l’Union Africaine, ce forum d’Alger, n’était-ce pas l’occasion, pour vous, de battre campagne pour votre candidature, en cours, à un poste de Commissaire à l’Union Africaine ?

FMMS : J’étais plutôt invitée en ma qualité de personne-ressource, spécialisée sur les questions de connectivité à l’Internet et ayant une expérience éprouvée dans le domaine des infrastructures des télécommunications. Cependant, l’ampleur de l’événement m’a donnée l’opportunité de rencontrer un certain nombre de représentants gouvernementaux avec lesquels j’ai eu le plaisir d’avoir des échanges intéressants. Ce fut l’occasion de mesurer combien ma candidature suscite leur intérêt. Ils sont nombreux à avoir exprimé leur préoccupation quant à l’importance de doter l’Union Africaine de ressources humaines de qualité. Au vu de l’élan de sympathie manifesté à mon égard et vis-à-vis de notre pays, l’espoir est permis.

 

Question : Quelles sont vos chances ?

FMMS : Nos chances de succès sont grandes, car notre diplomatie ne ménage aucun effort et y travaille activement. Nous avons à notre actif pour cela beaucoup d’atouts dont la Présidence, très réussie, de l’Union africaine en 2014, du Président Mohamed Ould Abdel Aziz, sa présidence du Sommet de la Ligue arabe, ainsi que sa toute nouvelle Présidence du Sommet Arabo-Africain pour une période de 3 ans. Cette nouvelle dynamique centrée sur la coopération sud-sud et la très bonne adéquation de notre candidature avec le poste est un atout supplémentaire, comme l’atteste son classement en 1ère position (lors des sélections pour les élections de juillet dernier).

Outre ces atouts, la Mauritanie entretient d’excellentes relations à travers le continent, et n’a jamais occupé de poste électif au détriment du principe de la rotation entre Etats membres.

Il est à regretter que certains pays ne respectent pas le principe de la rotation et ne jouent pas le jeu de la solidarité jusqu’au bout comme le manifeste notre pays à leur endroit.

Cela ne nous inquiète pas outre mesure, car si nous exploitons tous nos atouts dans ce contexte géopolitique actuel très favorable, nous gagnerons haut la main, incha’Allah...

Cependant, nous devrions retrousser les manches et profiter de toutes les rares occasions qui se présenteront encore, d’ici deux mois, pour convaincre le plus grand nombre de pays membres de l’Union Africaine de la qualité de notre candidature et de sa légitimité pour notre pays qui n’a jamais occupé de poste électif au sein de la Commission de l’UA.

 

Mon élection sera en réalité le succès de notre diplomatie.

Propos recueillis par Babacar Baye NDIAYE

Cridem 

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