Ces dernières années, les équilibres mondiaux ont connu des turbulences significatives marquées par une guerre de haute intensité en Europe et un conflit meurtrier d’une durée sans précédent au Moyen Orient.
Le combat acharné pour la domination du monde que se livrent les deux grandes puissances du moment, les Etats Unis et la Chine, avec la recherche de soutiens pour chacun des protagonistes continue à creuser l’écart entre l’Occident et ce que l’on appelle communément le Sud Global.
Le traitement réservé par certains médias et gouvernements occidentaux pour les deux conflits majeurs du moment a levé un peu plus le voile sur la politique du deux poids deux mesures que le Sud Global ne cesse de dénoncer. Etendre son influence pour ne pas dire sa mainmise sur les États africains est devenu alors un enjeu majeur pour les grandes puissances.
Un pays à la croisée des chemins
Malheureusement, l’Afrique de l’Ouest n’échappe pas à cette lutte. Lors d’une récente cérémonie officielle à Nouakchott, un représentant d’une grande puissance occidentale a déclaré que notre pays sera confronté au cours des prochaines années à des difficultés majeures dont l’insécurité à ses frontières pour insinuer que nous avons besoin de la protection de l’OTAN.
Il a ajouté aussi que nous sommes à la croisée des chemins et nous devrions faire le choix entre les deux camps. Quelqu’un dans l’assistance lui a répondu, pourquoi vous ne demandez pas aux pays du golfe de faire ce choix que vous semblez nous imposer ? Et la réponse fut brutale : « vous n’avez pas les mêmes moyens que ces pays. » Je tiens à attirer l’attention de tous nos respectables partenaires sur un peu d’histoire de notre pays.
A notre indépendance, notre pays n’avait pas d’infrastructures, ni armée et même pas de capitale. Nous faisions l’objet de revendications territoriales par des voisins de presque tous les côtés.
De ce fait, l’admission de notre pays à la ligue arabe fut tardive (1973) en dépit de bons rapports avec la Tunisie puis l’Egypte. Malgré cela, notre pays fut l’un des leaders du mouvement des non-alignés et notre président, Mokhtar Ould Daddah côtoyait Nasser, Nehru, Tito …
Le Général de Gaulle n’a pas oublié de mentionner dans ses mémoires son admiration pour ce jeune président sans moyen qui à chaque fois qu’il le rencontrait, lui rappelait la nécessité d’accorder l’indépendance à l’Algérie.
Par ailleurs, la Mauritanie n’a pas hésité à rompre ses relations diplomatiques avec les Etats Unis d’Amérique en juin 1967 suite au soutien américain à Israël lors de la guerre avec l’Egypte.
Sur un autre plan, le président mauritanien s’activait ardemment pour que la République Populaire de Chine intègre les Nations Unies, ce qui a eu lieu en 1971 et a coïncidé avec sa présidence de l’Organisation de l’Union Africaine (ancêtre de l’Union Africaine actuelle) dont notre pays est membre fondateur.
Ce même Mokhtar a fait sa célèbre déclaration au Président des Etats Unis d’Amérique Richard Nixon à propos de la Chine: Monsieur le Président, vous ne pouvez pas continuer à ignorer un pays de plus d’un milliard d’habitants.
Un discours qui a fait sensation
Il est à noter que l’insécurité à nos frontières ne date pas d’aujourd’hui. Heureusement pour nous, notre président actuel est un ancien Général et ancien chef d’Etat Major des Armées. Il a une profonde connaissance des problèmes sécuritaires de la région et c’est sûrement à ce titre qu’il a été l’invité d’honneur en novembre 2019 du forum international de Dakar sur la paix et la sécurité où il a prononcé un discours qui a fait sensation.
La vraie inquiétude venait de notre voisin du sud, le Sénégal, dont les fortes institutions et la sagesse du peuple ont permis une transition pacifique. Les discours du Pastef, quand ce parti était dans l’opposition, étaient virulents à notre encontre.
Pourtant, notre président a fait le déplacement lors de l’investiture du jeune président sénégalais nouvellement élu au cours duquel, j’en suis persuadé, il a profité de cette occasion pour rappeler aux nouvelles autorités que nos deux pays ont des liens séculaires dont l’Emir Ely Ould Mohamed Lehbib, fruit de l’union entre l’Emir du Trarza Mohamed Lehbib et la reine du Walo Djombott Mbodj n’est pas le moindre.
Yelli Mbodj, comme l’appellent les sénégalais, a été le premier pont social, humain, culturel et militaire entre les deux peuples puisqu’il combattit les colons sur les deux rives. Notre président actuel partage avec le père de la nation, Mokhtar Ould Daddah, une culture maraboutique, la patience et la sagesse des habitants du désert. Il a pacifié les rapports entre nos différents acteurs politiques dès sa prise de fonction et jouit d’un grand respect à l’extérieur du pays. D’ailleurs, Son Excellence Monsieur Bassirou Diombaye Faye a réservé sa première visite à l’étranger à la Mauritanie.
En dépit de l’affrontement des deux blocs qui a suivi la deuxième guerre mondiale, la Mauritanie naissante avec des revendications extérieures et fragile à l’intérieur, a toujours su tirer son épingle du jeu avec une diplomatie éclairée et patiente qui a fini par atteindre tous ses objectifs.
« Contre vents et marées », notre pays a fini par prendre sa place dans le concert des nations. Nous avons bon espoir que nos respectables partenaires comprennent que nous militons avec force pour un monde multipolaire dans lequel les relations entre les États sont basées sur le respect et l’entraide afin de sauver la planète et offrir une vie meilleure à nos concitoyens.
Nouakchott, le 30 mai 2024
Ahmed Salem ELY
lecalame.info