Du coup, tout le monde réfléchit à ce problème dont vous m’accorderez qu’il est plutôt insolite: comment remplir les prisons?
Il y a des problèmes dont on finit par se demander si ce sont vraiment des problèmes. Considérons celui-ci: les taux de délinquance et de criminalité ont tellement baissé aux Pays-Bas que beaucoup de cellules de prison sont vides.
Et alors?, me dites-vous. Et alors, la nature a horreur du vide, comme disait l’ami Pascal. Ou plutôt, c’est l’économie qui en a horreur: ce n’est pas rentable, une cellule vide. Il faut faire quelque chose.
On a commencé par convertir la prison la plus moderne d’Amsterdam en résidence pour étudiants. (Si vous ne me croyez pas, googlisez “De Bajes Amsterdam” et regardez les photos: les étudiants ne sont pas du tout malheureux d’avoir pris la place des malfrats…) Mais cette mesure ne suffit pas. Selon Jaap Oosterveer, le porte-parole du ministre de la justice, c’est un bon tiers des 13.500 cellules du royaume qui sont inoccupées. Et ça ne risque pas de s’arranger. La population vieillit, le bien-être s’accroît, le crime va donc continuer à baisser, disent les sociologues. Alors que faire? N’oublions pas que plus les prisons se vident, moins on a besoin de gardiens: vous ne voulez tout de même pas qu’on licencie ces braves gens faute de clients (si l’on ose dire)?
Du coup, tout le monde réfléchit à ce problème dont vous m’accorderez qu’il est plutôt insolite: comment remplir les prisons? Les politiques, les journalistes, les criminologues, le bon peuple, les blogueurs et les blagueurs, tout le monde y va de sa suggestion. Le débat fait rage.
L’une des propositions les plus populaires consiste à mettre en tôle tous les hackers. En effet, raisonne-t-on, ces zombies pustuleux pourrissent la vie de milliers de gens en toute impunité. Si quelqu’un entrait chez vous par effraction et vous volait vos biens les plus précieux, la loi s’abattrait sur lui comme une tonne de briques. Mais s’il entre dans votre ordinateur et y fauche tout ce qu’il contient, il ne lui arrive rien, le plus souvent. On finirait presque par l’admirer. C’est un comble! Fourrez-moi ça au violon! Et en plus, c’est bon pour l’économie, tous ces matons qui ne perdront pas leur job et leur pouvoir d’achat.
Une autre solution sérieusement envisagée consisterait à importer des prisonniers, c’est-à-dire à louer des cellules à des pays tiers. Il semble d’ailleurs qu’on ait déjà fait discrètement un essai dans ce sens: quelques bandits flamands ont été hébergés de ce côté-ci de la frontière contre paiement du gouvernement belge. Vu la façon dont sont traités les prisonniers aux Pays-Bas (cellule individuelle, bons repas, sport, possibilité d’apprendre un métier…), il ne serait pas difficile d’attirer des forbans du monde entier. Ce qui sera plus compliqué, disent les mauvaises langues, c’est de les renvoyer chez eux une fois leur peine purgée. Et s’ils refusaient de s’en aller? On s’habitue vite au confort…
Par Fouad Laroui
