Visite du Roi Mohamed 6: leçons géostratégiques d’un séjour historique

mar, 11/08/2016 - 12:34

Sa déclaration solennelle faite depuis le Sénégal nous fait entrer de plain pied dans un conflit où le Président Macky Sall a décidé dorénavant de jouer un rôle prépondérant, en qualité d’allié du royaume chérifien. 

Il s’est engagé en effet à soutenir clairement le Maroc dans son conflit à fleurets mouchetés avec ses voisins, sur la question du Sahara occidental. 

Nous assistons à une redistribution des cartes au niveau géostratégique qui nous positionne entre le marteau de la Mauritanie, tenue par la main de l'Algérie et l'enclume de la Gambie qui vient de signer un accord de défense avec la Chine, en réponse à l'arrivée de l’armée américaine sur notre sol.

Du moment que le Maroc a stabilisé sa relation avec l'Union européenne, et a réussi à pacifier son espace politique et social dans un contexte géopolitique où il n'est pas bon de fréquenter ses voisins arabes, il ne lui restait comme option que d'intégrer l'Union Africaine, pour avoir un moyen de pression politique sur l'Algérie, et maintenir ses voisins dans une zone d'incertitude où la question de la République Sahraoui sera toujours tabou, ou débattue en sa présence, d’où sa décision de réintégrer l’Union Africaine.

C'est bien plus sûr que de laisser la tribune de l'Union Africaine à ses contempteurs dont la Mauritanie, qui y fait office de chef de file. D’autant  plus que pour l’Union africaine, la République Arabe Sahraoui est un état souverain, membre de l’organisation depuis 1982.

Notons que l’ONU ne reconnait ni la RASD ni la souveraineté du Maroc sur ce territoire dont il contrôle pourtant les 80%.

C’est que l’occasion était trop belle pour le Maroc qui s’est fait un plaisir de  travailler le Président Macky Sall au corps, pour qu’il offre une  tribune aussi spéciale qu’officielle au Roi Son Altesse Mohamed 6, une tribune d’où il a prononcé un discours historique dont la portée dépasse largement nos frontières et aura un écho jusqu’aux… Nations Unies, dont le Sénégal comme par un heureux hasard, est membre non permanent de son  conseil permanent ! 

Notons aussi que par un heureux hasard du calendrier, le Président Macky Sall se rendra dès après la visite du Roi…à Washington !

Sur le plan économique, le Maroc est le roi de notre système bancaire, dont il détient 70%. Autant dire qu'il est un poids lourd dans notre économie, où il concurrence même la France dans  les domaines de l'immobilier et des infrastructures.

L'inféodation économique du Sénégal au Maroc dont il  est devenu l'arrière cour est désormais aussi une option irréversible de Macky ! Il semble que le Président Macky Sall a dorénavant choisi la facilité avec la vassalisation économique du Sénégal en effet, plutôt que  de poser les actes fondateurs d'une rupture dans la démarche diplomatique pour positionner notre pays en leader dans la sous région et le continent, en en faisant un hub financier, car nous avons autant d'atouts que le Maroc sur ce point. 

Et d'ailleurs dans l'histoire de l'humanité aucun pays ne s'est développé en comptant sur l'aide d'un autre pays, même s'il s'appelle le Maroc ! 

Et vu les perspectives formidables de décollage économique qui s’offrent à nous, il ne devrait pas être question de permettre à un partenaire économique quelconque de se tailler la part du lion dans la valorisation de nos potentialités économiques. Ne serait-ce que pour conserver notre souveraineté économique sur des  questions stratégiques, en prévision de l’avenir qui s’annonce radieux pour le Sénégal si les fruits tiennent la promesse des fleurs.

Le Président Macky Sall devrait sur ce point se rappeler  que les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts.

Et d’ailleurs, en termes de réciprocité, qu'est ce que le Sénégal  gagne, dans ses relations privilégiées avec le Royaume du Maroc?

On ne fait pas de la diplomatie avec des bons sentiments...

Et il est grand temps que nos relations avec le Maroc cessent d'être des relations d'amour spécial où nous donnons le meilleur de nos atours sans recevoir grand-chose en retour, pour devenir des relations d'affaires gagnant-gagnant, et spécialement équilibrées, renforcées par le partage d'un même substrat  culturel en plusieurs points, qui fait des peuples marocain et sénégalais, une même nation, sur ce point.

 

Cissé Kane NDAO

Président de l’A.DE.R

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