Je commence par remercier toutes les organisations Maghrébines des Droits Humains. Je remercie en particulier notre frère et ami Ayad Ahram. Je vous demande de l’applaudir pour les efforts énormes qu’il a déployés pour la réussite de cette rencontre.
Je m’appelle Hanoune Ould Oumar dit Diko, secrétaire général de l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E). Cette association a été créée en 2001 par un groupe de personnes autour du Dr Mohamed Yahya Ould CIRE, qui en est le président. Ce dernier a écrit deux ouvrages sur la question de l’esclavage en Mauritanie. Le premier est la soutenance d’une thèse à l’université Paris II intitulée “L’abolition de l’esclavage en Mauritanie et les difficultés de son application”, soutenue en 2006. Cette thèse a été publiée par l’ANRT (Agence Nationale de reproduction des thèses), institution publique française en 2008. Le second est un livre dont le titre est : “La Mauritanie ; Entre l’esclavage et le racisme” édité à l’Harmattan en 2014. Ce livre a été traduit en arabe en 2019.
AHME est une association des droits de la personne à caractère non ethnique et non racial. AHME possède un site (https://haratine.com/) et un blog (https://haratine.blogspot.com/ ).
La Mauritanie possède un arsenal juridique permissif. Les lois suivantes en sont les preuves.
La Loi n°2021-021 portant protection des symboles nationaux et incrimination les atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’honneur du citoyen
Article 2 : Est considérée comme atteinte à l’autorité de l’Etat et à ses symboles, tout acte délibéré d’utilisation des techniques de l’information, de la communication numérique et des plates-formes de communication sociale pour porter préjudice aux valeurs constantes et aux principes sacrés de l’Islam, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, tout mépris ou profanation du drapeau ou de l’hymne nationaux. Sans préjudice des sanctions plus lourdes prévues par d’autres lois, l’auteur de tels actes est passible d’emprisonnement de deux (2) à quatre (4) ans et d’une amende de deux cent mille (200000) à cinq cent mille(500000)Ouguiyas.
Cet article 2 interdit toute critique vis-à-vis du président de la République qui représente le sommet de l’Etat. Il en est de même dans l’intégrité territoriale, le drapeau et l’hymne national. Or, la politique d’un chef de l’Etat peut être critiquée par les hommes politiques, mais aussi par les citoyens. Cet article limite cette possibilité.
Article 3: Est également considérée comme atteinte délibérée à la vie privée toute injure ou insulte à la personne du Président de la République, ou de tout responsable public qui outrepasse ses actes et ses décisions de gestion vers sa personne et sa vie privée, la divulgation d’un secret personnel sans autorisation explicite de la part de l’intéressé, ou toute production, publication ou distribution de calomnies, d’injures ou d’insultes, ou l’attribution de faits infondés à une personne. Tous ces actes sont punis d’un (1) an à (2) deux ans d’emprisonnement et d’une amende de quatre-vingt mille (80000) Ouguiyas à deux cent mille (200000) Ouguiyas.
L’article 3 va plus loin dans l’interdiction de la critique du Président. Il proscrit toutes critiques à l’adresse du Président. Le président gère les affaires de l’Etat, lequel l’Etat est la plus grande association humain
dans un territoire donné. Les citoyens de ce pays ont le droit de porter des jugements sur cette gestion. Cet article crée un amalgame entre la vie privée et publique du président puisqu’il ne clarifie pas la différence entre les deux aspects.
Article 5 : Est considérée comme atteinte à la sécurité nationale toute publication ou distribution de messages textuels, vocaux ou photographiques à travers l’utilisation des techniques de l’information, de la communication numérique et des plateformes de communication sociale visant l’atteinte à la moralité des forces armées ou la déstabilisation de leur loyauté à la République.
La commission de tels actes est punie d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de deux cent mille(200.000) à quatre cent mille (400.000) Ouguiyas. Est également considérée comme atteinte à la sécurité nationale la prise, la publication ou la diffusion de photos ou de vidéos des éléments et unités de forces armées et de sécurité en mission sans autorisation expresse du Commandement concerné. La commission de tels faits est punie d’un emprisonnement d’un (1) an à deux (2) ans et d’une amende de cent mille (100000) à cent cinquante mille (150000) Ouguiyas.
L’article 5 interdit aux hommes politiques de critiquer les forces armées. Or, la conduite d’une politique dans le domaine militaire est le fruit des décisions politiques, et à ce titre celle-ci peuvent être critiquées par les partis politiques, hommes publics et des citoyens.
En cas de non-respect de ces trois articles susmentionnés, les peines sont excessivement lourdes.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies donne une définition qui prouve que ces articles sont une violation des droits de la personne :
“La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu. Elles sont essentielles pour toute société. Elles constituent le fondement de toute société libre et démocratique. Les deux libertés sont étroitement liées,
la deuxième constituant le véhicule pour l’échange et le développement des opinions.
La liberté d’expression est une condition nécessaire pour la réalisation des principes de transparence et d’obligation de responsabilité qui sont eux-mêmes essentiels à la promotion et la protection des droits de l’homme.”
La République islamique de Mauritanie se considère comme une démocratie. Elle est donc tenue au respect de ce pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies car elle est membre de cette organisation et a ratifié le pacte susmentionné.
La loi 2018 relative à l’apostasie et aux blasphèmes
L’article 306 du Code pénal Mauritanien, tel que révisé, prévoit que tout musulman coupable d’apostasie ou de blasphème sera condamné à mort dès son arrestation sans possibilité de formuler une demande de clémence fondée sur le repentir…
L’article 306 du Code Pénal récemment révisé en date du 27 avril 2018 constitue une régression juridique parce qu’il supprime la possibilité de se repentir et rend la peine de mort applicable.
C’est pour cette raison que les experts de l’ONU ont exhorté la Mauritanie dans le but de supprimer la loi anti-blasphèmes de 2018.
Loi n° 2016-007 relative à la cybercriminalité
Des infractions portant atteinte aux valeurs morales et aux bonnes mœurs
Article 21 : Sans préjudice des peines prévues par l’article 306 du code pénal, sera puni d’un à quatre ans d’emprisonnement et d’une amende de 200.000 à 3.000.000 d’ouguiyas, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque aura intentionnellement, créé, enregistré, mis à disposition, transmis ou diffusé par le biais d’un système informatique, un message texte, une image, un son ou toute autre forme de représentation audio ou visuelle qui porte atteinte aux valeurs de l’Islam.
La Mauritanie est une République islamique. Cette théocratie musulmane est constitutionnelle depuis le 20 mai 1961.
Cet article 21 constitue une instrumentalisation de l’Islam. Au- delà de cinq obligations qui s’imposent à tout musulman en tant qu’individu, rien dans l’Islam n’interdit de critiquer les gouvernants d’un pays. S’agissant des mœurs et coutumes mauritaniennes, celles-ci sont critiquables, car elles comportent des agissements contraires à l’Islam. En effet, dans un pays où la population est à 100 % musulmane, il y a des apparences musulmanes (prières, jeunes, ect…) et des réalités moins avouables. A titre d’exemple, les détournements des deniers publics sont interdits en Islam. Et pourtant, une partie importante des richesses obtenues dans ce pays sont issues de ces détournements. Aussi, du châtiment corporel et mental d’un l’esclave, un mauritanien peut aller prier à la mosquée et vice- versa.
« Internet est un espace de liberté où chacun peut communiquer et s’épanouir ». Cet article est donc abusif parce qu’elle limite d’une manière infondée les libertés d’expression et institue des peines assezlourdes.
Bourse de Paris le 10 Juin 2023
Hanoune Ould Oumar dit Diko
Guidumakha