« Nous avons tout monnayé, jusqu’à nos racines. Nous ne sommes plus que du bois mort… Oh ma terre, qu’avons nous fait de toi? Toi qui fus enfant des vents de l’Est, des vents du Sud, des vents de l’Ouest, des vents du Nord, toi fille des nuages, toi la belle arrondie en dunes et en Fleuve, en Océan et en vagues, toi qui fut chants des prières dans le silence des mosquées de pierre ou de banco…
Qu’avons nous fait de toi, toi la musicienne, toi la poète, toi le rire des enfants?
Qu’avons nous fait des bijoux que tu ceignais à tes chevilles, de l’encens en offrande, des perles dont tu parais les femmes, des épopées, de la pitié et de l’amour?
Qu’avons nous fait des nuits infinies, du murmure des étoiles dans les solitudes d’espaces si grands que nous avions modelé nos regards à hauteur des horizons?
Qu’avons nous fait de la simplicité de l’instant, de la flamboyance des champs, de l’ocre de tes langages?
Qu’avons nous fait du premier cri de cet enfant qui vient au monde et à qui tu offrais l’éternité des sables?
Qu’avons nous fait du voyageur assoupi à l’ombre d’une palmeraie?
Qu’avons nous fait des feux de brousse, et de la pluie de l’hivernage et de la rudesse d’une tempête?
Qu’avons nous fait de toi, toi qui fus ce nuage dans les yeux des chameliers, ce murmure posé sur la bouche d’un berger, cette note parfaite allongée sur une corde?
Qu’avons nous fait de toi, toi battement de coeur profond et lent,aux saisons paresseuses, aux soleils, aux lunes, aux pierres des pistes, aux montagnes?
Nous avons tout vendu, tout monnayé….
Nous ne sommes plus que cimetières vendus à l’étal…. »
Mariem Mint Derwich