La cavale des salafistes évadés de la prison centrale de Nouakchott continue de revêtir des zones d’ombre sur une fuite qui impliquerait incontestablement des parties en dehors de la prison elle-même.
Après la liquidation de trois d’entre eux et l’arrestation d’un quatrième, les informations sur cette évasion spectaculaire tombent encore au compte-goutte, pour établir les non-dits d’un film digne d’un western hollywoodien.
Selon la chaîne TV El Arabiya, le chef d'Al-Qaïda au Maghreb Arabe (AQMI) Talha al-Libi serait impliqué dans l'opération de la prison mauritanienne.
Citant des sources obtenues depuis le Mali, les informations créditent l’hypothèse d’une planification de la célèbre cavale, débutée et clôturée par une effusion de sang.
Le volet logistique de l’opération ainsi que son financement avaient été minutieusement préparés, confient les sources à Al Arabiya, selon lesquelles, c’est la branche d'Al-Qaïda, au niveau de la région de Tombouctou, dans le nord du Mali, qui est responsable de toutes les opérations et activités de l'organisation dans la zone, y compris la Mauritanie.
Des sources proches des enquêtes de sécurité en cours ont révélé des soupçons sur la relation de l'émir de l'émirat du Grand Sahara, Abd al-Rahman Ould al-Hassan, dit Talha al-Libi, avec la première opération de ce type menée par une organisation terroriste en Mauritanie depuis 2012.
L'émir de Tombouctou au sein d’Aqmi Talha al-Libi, est né à Ubari, dans le sud de la Libye, d'un père dont les racines remontent à une tribu mauritanienne et d'une mère originaire touarègue du nord du Mali, où se concentrent les tribus touarègues et arabes.
L'émirat de la branche d'al-Qaïda est passé aux combattants mauritaniens pour la première fois en 2020 après que les extrémistes algériens aient dominé sa direction depuis sa création, à la suite de l'assassinat d'Abu Yahya al-Jazaery (algérien) et la liquidation des forces françaises de la plupart des chefs militaires algériens de l'organisation
Le retard dans l'arrestation des djihadistes extrémistes mauritaniens en fuite de la prison centrale de Nouakchott a renforcé les inquiétudes quant à leur évasion, mettant les responsables de la sécurité dans un grand embarras.
En effet, les commandements sécuritaires avaient privilégié au tout début de la fuite de la prison, l’hypothèse d’une opération isolée de loups solitaires, avant que les rebondissements ultérieurs ne montrent l’entrée de la Mauritanie dans une impasse terroriste complexe et dangereuse pour sa sécurité nationale, orchestrée à l'extérieur du pays et ayant impliquée l’instrumentation de cellules dormantes d'Al-Qaïda.
La préparation de l'opération a commencé il y a des mois, lorsqu'une Toyota-Hilux est arrivée de l'extérieur du pays avant d’être garée dans une maison à Dar Naim, à Nouakchott Nord, en prélude de l'opération d'évasion.
Le véhicule en question a été récemment équipé sous prétexte qu’il se prépare à rejoindre l’infernal cortège motorisé se lançant dans la recherche de l’or dans le nord mauritanien, près des frontières avec l’Algérie.
L'Organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique est membre d'une coalition de groupes extrémistes dans la région du Sahel africain appelée « Jamaat Nasrat al-Islam wa al-Muslimin » et est dirigée par Iyad Ag Ghali, un ancien diplomate des notables du Touareg malien.
L'Etat islamique concentre quant à lui ses attaques sanglantes sur le triangle frontalier entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tandis son rival al-Qaïda est actif dans le triangle frontalier entre l'Algérie, la Mauritanie et le Mali.
Le site "Sahara Media" a révélé de son côté le contenu de la voiture traversant le désert dans laquelle les combattants extrémistes salafistes ont fui, et a publié des photos du Tout Terrain : le réservoir de la voiture était presque plein de carburant n’ayant consommé que le quart de sa capacité. Le véhicule portait également à son bord trois barils d'essence, chacun d'une capacité de 75 litres et trois autres d'eau de 75 litres chacun.
La voiture transportait également deux gros sacs de sardines, quatre moustiquaires, un pistolet, une grande quantité de balles, des médicaments, 10 téléphones portables, 100 cartes SIM appartenant à différentes sociétés, des documents délivrés par l'État du Mali, ainsi que plusieurs plaques d'immatriculation du Mali, rapporte le site.
Non loin de ce sujet, des sources ont confirmé l’arrestation de la sécurité mauritanienne de deux personnes de nationalité malienne, qui auraient amené la voiture sur le territoire mauritanien, indique Saharamedias.
Le ministère mauritanien de la Défense et de l'Intérieur avaient annoncé, dans un communiqué conjoint publié ssamedi dernier, la mort de 3 terroristes évadés de prison, l'arrestation du quatrième, et le décès d'un gendarme lors d'un affrontement avec les fugitifs dans une zone montagneuse accidentée sise à 450 km au nord de la capitale, Nouakchott.
Des sources privées contactées par Al-Arabiya ont révélé que les combattants d'Al-Qaïda en fuite prévoyaient l’enlèvement de touristes occidentaux.
Les extrémistes avaient tenté, pendant les jours qu'ils ont passés cachés dans une zone désertique reculée, de recueillir des informations auprès des villageois sur les voitures transportant des touristes, qui passaient sur une route habituellement utilisée par les randonneurs touristiques dans sur les sites désertiques et montagneux, après la relance récente du tourisme dans la wilaya de l’Adrar après des années de marasme dues aux attentats et aux opérations terroristes antérieures menées par Aqmi
Aqmi a mis fin à la trêve, ou « al-Mutariqa », qui existait avec la Mauritanie depuis 2012, ont affirmé par ailleurs les sources précitées.
Le fait que les détenus aient tué leurs gardes et s’étaient enfuis, tentant de se diriger vers le nord du Mali et de kidnapper des touristes n'auraient pas eu lieu sans les ordres de la direction de l'organisation et une fatwa de son autorité jurisprudentielle, indique une source privée à Al Arabiya
Les combattants de l'organisation terroriste sont connus pour leur discipline et ne se déplacent pas sans conseils et ordres directs, ajoute la source.
L’assassinat de trois soldats ainsi que le meurtre de trois membres d'Al-Qaïda, l’arrestation d’un quatrième lors de l'opération militaire, en plus d'une dizaine de personnes lors d'une campagne d'arrestation lancée par les services de sécurité pour retrouver les prisonniers en fuite, sont tous des indicateurs qui montrent que la trêve entre la Mauritanie et Aqmi est révolue.
Ce qui corrobore, l’intention des extrémistes et de ceux qui les soutiennent à élargir la zone des affrontements avec les gouvernements et les pays du Sahel africain pour s'étendre à la Mauritanie, qui était épargnée par le cycle de violence et du chaos sanglant dans la région.
Les États-Unis et leurs alliés ont à plusieurs reprises salué le succès de l'armée mauritanienne dans la lutte contre le terrorisme et la protection des longues frontières du pays avec le Mali et l'Algérie et les vastes zones désertiques et inhabitées du nord et de l'est du pays de se transformer en refuge pour les terroristes.
Les pays sahéliens africains, avec leurs systèmes de sécurité fragiles, leurs capacités militaires et leurs capacités logistiques limitées, se plaignent du manque d’un soutien au terrorisme dans la région.
Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani tente de relancer la force conjointe sahélienne de lutte contre le terrorisme.
L’homme fort de Nouakchott, a été investi dernièrement à la présidence tournante du G5 Sahel, ce groupe dont l’efficacité et le rôle dans la lutte contre les organisations extrémistes ont été négativement impactés par les coups d'État militaires au Mali et au Burkina Faso, le retrait des forces françaises du Mali et les sanctions imposées par le l'Union africaine et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest sur les deux pays membres du groupe des États du Sahel, qui comprend le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad
Les dirigeants d'Al-Qaïda avaient négocié un plan pour préparer un accord de paix avec le gouvernement mauritanien, avaient rapporté des documents obtenus par les forces spéciales américaines lors du raid sur la cachette d'Oussama ben Laden au Pakistan en 2011 et publiés par le gouvernement américain en mars 2016, rappelle-t-on.
Selon un document détaillant les discussions de l'organisation en 2010 sur un plan de paix, l'aile du groupe, connue sous le nom d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, se serait engagée à ne mener aucune activité militaire en Mauritanie pendant un an.
En contrepartie, selon ce qui est indiqué dans le document, les autorités mauritaniennes libéreront tous les prisonniers d'Al-Qaïda, et s'engageront à ne lancer aucune attaque contre l'aile de l'organisation depuis son territoire.
Selon la proposition d'al-Qaïda, le gouvernement mauritanien accepterait également de verser entre 10 et 20 millions d'euros (11 à 22 millions de dollars) par an à al-Qaïda au Maghreb islamique pour indemniser les extrémistes et empêcher les enlèvements de touristes.
Al Arabiya
Senalioune