Ancien ministre des Affaires Étrangères de la Mauritanie et ex ambassadeur de l’ONU en Afrique de l’Ouest et en Somalie, Ahmedou Ould Abdallah salue la réussite du Qatar dans l’organisation de la coupe du monde de football et s’insurge contre le battage médiatique organisé contre des suspicions de corruption à Bruxelles.
Mondafrique Le Qatar a-t-il, selon vous, réussi dans l’organisation de la coupe du monde de football ?
Ahmedou Ould Abdallah. Le Qatar sort grand gagnant de la coupe du monde de football. C’est la première fois qu’un tel événement est organisé dans un pays su Sud avec un tel degré de professionnalisme et d’ouverture. Tout a été parfaitement géré : les avions, les hôtels, les gouts des visiteurs (y compris l’alcool); la sécurité, les prix, les stades. La campagne de dénigrement qui a appelé au boycott une semaine avant le début de la coupe du monde, m’a profondément révolté, choqué Pourquoi un tel acharnement ?Pourquoi une telle coïncidence des dates?
Si vraiment le Qatar devait être chargé de tous les maux en matière de droits sociaux et de libertés publiques, les pays occidentaux devraient être logiques avec eux-mêmes. Ils doivent arrêter de se fournir en gaz à Doha comme ils l’ont fait pour la Russie. Et ils ont eu raison évidemment de contrer Vladimir Poutine..
Mondafrique. Les adversaires du Qatar ont-ils eu raison de mettre en avant le sort des milliers d’ouvriers qui ont construit les stades où ont eu lieu les matchs de la Coupe du monde de football?
Ahmedou Ould Abdallah. Pourquoi le Qatar a-t-il été seul à être ciblé dans la critique virulente contre l’utilisation de la main d’oeuvre étrangère dans la construction des stades? Ce sont des groupes de BTP occidentaux qui ont été à la manœuvre. Or Les polémiques n’ont jamais mis en cause leur rôle dans le procès qui a été fait à l’Émirat et à lui seul.
Mondafrique. Le Qatar a été soupçonné récemment d’avoir corrompu une vice-présidente du Parlement européen. Que pensez-vous de ces pratiques ?
Ahmedou Ould Abdallah. Je suis membre fondateur d’une ONG comme « Transparency International » qui lutte contre la corruption. J’ai beaucoup travaillé dans les pays anglo saxons particulièrement vigilants sur ces dérives financières. Le versement d’espèces à des élus est totalement à proscrire. Pour autant, il y a eu un véritable acharnement contre le Qatar concernant l’éventualité d’une tentative de corruption à l’égard de cette parlementaire grecque. Le Qatar avait réussi l’organisation d’un grand événement mondial, c’est comme s’il avait fallu ternir ce succès.
Un peu de mesure ! Prenons l’exemple de l’’Ukraine, un pays connu pour être très corrompu. Ce qui n’a pas empêché les occidentaux de défendre ce pays contre l’agression criminelle des Russes. Or tout le monde considère les Ukrainiens comme un grand peuple,corruption ou pas.
Mondafrique. Au-delà de ces accusations, le Qatar n’en fait-il pas trop dans sa politique de lobbying tous azimuts ?
Ahmedou Ould Abdallah. Le Qatar est un pays riche. Ce n’est pas un délit. Les dirigeants qataris ont développé une politique de lobbying à Washington comme à Bruxelles. Or il s’agit d’une pratique très utile. Les lobbys sont indispensables pour faire entendre la voix du secteur privé et de la société civile. Ce sont eux qui permettent d’avantage d’expertise et de transparence dans la gestion des grands dossiers internationaux. Il s’agit seulement d’établir des règles précises de fonctionnement, ce qui est largement fait.
Mondafrique. Quel bilan général faites vous du modèle de développement des monarchies pétrolières du Golfe ?
Ahmedou Ould Abdallah. Ces monarchies ont d’abord une épaisseur historique et une légitimité politique que ne possèdent guère des Républiques civiles ou militaires dont les dirigeants sont élus avec des scores de 90% des voix et au terme de procédures bien peu démocratiques. Ces régimes du Golfe sont les rares à posséder dans le monde arabe et africain des stratégies diplomatiques ou économiques à long terme, qui sont servies, il est vrai, par des richesses en gaz et pétrole considérables..
Mondafrique. Est-ce que le profond conservatisme religieux de ces monarchies nuit à leur image ?
Ahmedou Ould Abdallah. Dans le cas des Émirats Arabes Unis, l’économie est ouverte, moderne. D’autres religions sont acceptées au sein de l’espace public. Un très grand pragmatisme est à l’œuvre dans ce pays. Xe qui en fait un adversaire résolu de toutes les dérives violentes.
Au Qatar, une vision conservatrice de l’Islam n’a pas empêché le pays de recevoir des milliers de supporters venus de tous les pays du monde, y compris des Allemands qui affichaient leurs soutien aux homosexuels. Cette tradition islamique conservatrice permet l’Émirat d’éviter des mauvais procès qui auraient pu lui être intentés pour son ouverture vers le monde occidental ou pour accueillir une base militaire américaine. La gouvernance au Qatar, fidèle à son histoire, ne cesse de s’adapter à la modernité.
Laissons à ces pays un peu de temps !