Une page d’un carnet de souvenirs … à propos de Selibaby

mar, 01/22/2019 - 10:12

J’ai rassemblé les écoles coraniques (Mahadra) et modernes et Maghtaalhjar à Guimi), la date en 1954 à 1957 de la réussite de mon père, Paix à son âme, dans le concours des instituteurs…Il a été muté à Ould Ely Baby (Selibaby) où il m’a emmené pour la première fois de la brousse vers le village… Et combien était ce voyage! Comment venir des environs de Maghtalajar à Ould Ely Baby ? Un voyagez pénible, fatiguant et long ; pas de voitures, pas de routes, pas de télécommunications …

 

Le voyage a commencé avec les « aurevoirs » des parents et des proches à la « Marsa » (marché), sur la côte de Tachott Savye, « à la mi-septembre.

 

« Marsa » pour ceux qui ne le savent pas est une période où les cultivateurs élisent domicile dans la partie Est du barrage de Maghta lahjar, pour annoncer le début de la saison agricole.

 

Nous avons pris, en compagnie d’un groupe de parents (dont je me rappelle de certains tels que Mohamedou Ould Ainine et Weddou, Paix à son âme, qui était en possession d’une arme à feu), la direction de Kaédi à travers la zone de « l’Aftout », avec ses vallées, ses plaines et ses belles hauteurs, suivie de la zone de Roumdi avec ses dunes de sable radiantes, puis la région de Ksours Ivellan (villages peuls) de Lem Oudou, Wesgue, les environs de Meit, les alentours de Kaédi.

 

Mon attention a été attirée par ce que j’entendais au sein du groupe sur cette zone présentée comme pleine de serpents, de bêtes sauvages dont le lion et le loup, le tigre et l’hyène.

 

J’étais séduit aussi par ce que je vois d’antilopes et de cerfs, de troupes d’Autriches, d’outardes, de poulets sauvages (Lahbash) et de nombreux autres oiseaux en vol autour de nous et criant comme s’ils flirtaient avec l’homme.

 

Mes yeux n’ont pas manqué également d’admirer avec contemplation des champs verts, des arbres fruitiers et ombragés, offrant leurs rejets.

 

Cette terre abondait aussi en en Nebgh, Ligleiye, Amjij, Abkak, alk (gomme), tajmakht, Tengha, Menkagha (Eizene), Touga à deux usages et Egreinat Likbeich, Igreitit bergers, Azz, Tiksrarit, Tadhbe….

 

Cette terre était fertile et dynamique, se présentant comme étant une nappe pour les plats des autochtones, des voyageurs et des passants.

 

A cela s’ajoute aussi sa richesse en herbes et végétaux curatives utilisés dans la fabrication des médicaments, tels que: Velejit, feuilles de Sdir, Teichitt…

 

Et autant la terre était riche et généreuse, l’environnement était lui aussi dans son ensemble en parfait équilibre, évoluant suivant un système harmonieux et intégré entre l’homme, la faune, la flore, l’atmosphère, le soleil, le sol, l’eau, etc.

 

Ce qui a captivé mon attention dans ce voyage et resté gravé aussi dans ma mémoire, c’était les bienvenues chaleureux et l’hospitalité genreuse dont nous faisions l’objet de la part de nos frères peuls. Ils étaient une partie de nous et nous étions une partie eux ; unis par la vie, la langue, la religion, la doctrine, les Mahadras (écoles coraniques), les livres, les tablettes, le boubou, le turban, le thé, les jeux, les devinettes… nous étions des partenaires dans l’eau, l’herbe, les pâturages et les fruits avec comme unique différence entre nous « Tikit » (case) et les vaches blanches aux cornes énormes!

 

Il me reste en mémoire que cette terre était à jamais un havre du Bien, de la fraternité et de la beauté, accueillant tous dans l’affection et l’amour loin de toute complaisance et aversion.

 

J’ai demandé deux ans après à propos du sort de ces parents et proches. J’ai trouvé qu’ils ont subi le même destin vécu par la terre, le soleil et l’atmosphère à cause des changements climatiques et de la barbarie de l’homme.

 

Il m’a été rapporté que les vagues successives de la sécheresse ont détruit leur vie et leur imposé l’exode vers la ville, avant d’être frappés par la suite par l’enfer de la déportation en 1989.

 

Les plus illustres fils de cette région ancestrale et chère et le frère Abdallahi Mamadou Bah, l’ex conseiller du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qu’Allah les garde tous.

 

Nous sommes arrivés après 3 jours de voyage à Kaédi et nous nous sommes rendus chez le très hospitalier Ely Ould Sidi Mehdi, Paix à son âme, qui est l’un des fondateurs de l’Etat indépendant et qui lié par des relations solides avec notre famille depuis qu’il est devenu interprète (Emelaze) avec le cadi de M’Boud, le Vaghih Hamed Ould Mohamed Mahmoud Ould Bilal, Paix à leurs âmes aussi.

 

… Ici, à Kaédi, j’ai vu pour la première fois la « ville », ses routes, ses bâtisses, ces terrains escarpés et ses habitants de langue et de races diverses…

 

Je posais un tas de questions sur le marché, les commerces, le fleuve, les pirogues, les vélos, les pièces de monnaie (FCFA), …

 

Je me rappelle ici d’un plat de riz au poisson (marou Elhoutt), qui nous a été offert à la maison de notre hôte, les discussions pleines de confort et plaisantes qu’on s’est échangées autour du plat ce jour là.

 

J’ai entendu mon père plaisanter avec son ami Ely Ould Sidi Mehdi, faisant la lecture du poème de Ould Ebnou ould Hmeiden avec Cheikh Ahmedou Bamba M’backé réputé sous le nom d’l Khadim, quant il dit :

 

Ceux auxquels vous avez recommandé mon hospitalité ont fait fi de cette hospitalité jsuqu’à son paroxysme (jusqu’à)

 

Ils ont mélangé leur repas à du poisson sec @ alors que je déteste le poisson le jour de sa sortie.

 

A partir de Kaédi, le voyage vers la ville sénégalaise Bakel s’est effectué à bord d’une petite pirogue ne devant pas porter plus que 7 personnes, équipée d’un moteur électrique, pendant une journée et une nuit,.

 

Vous imaginez sans doute la difficulté de dormir à bord d’une petite embarcation traversant le fleuve pour un enfant de 8 ans!?

 

De Bakel, nous avons loué un Cheval pour nous conduire vers Sélibaby et sollicité les services de deux hommes armés pour assurer la sécurité ; eu égard aux dangers que présente le trajet à parcourir.

 

On sait bien que trois Etats, à savoir le Sénégal, le Mali et la Mauritanie se rencontrent dans la région de Selibaby, qui est une zone d’Oueds impraticables, de forets gigantesques, servant de refuge pour les bandits, les voleurs et les monstres sauvages dont l’éléphant.

 

C’était ainsi que mon père supportait avec patience, fermeté, volonté et labeur les peines de ces voyages aller-retour pendant 3 ans pour arriver à l’heure demandée à son lieu de travail …

 

Il était convaincu, à l’instar de ses autres collègues enseignants de la langue arabe à cette époque, qu’il mène une guerre sainte pour la Patrie, la défense de l’identité et de l’originalité et de la dignité.

 

À Selibaby, je me suis trouvé, comme si je suis né de nouveau….

 

Traduit de la page Mohamed Vall Bellal

 

 

 

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