Le projet de révision constitutionnelle pour la suppression du Sénat et son remplacement par des Conseils régionaux, en Mauritanie, prend du plomb dans l’aile. En effet, l’opposition dite modérée qui avait été embarquée dans un dialogue dit national, vient d’assener un coup de Jarnac au président Mohamed Ould Abdel Aziz en quittant la table de discussions. En décidant ainsi de mener un combat commun avec l’opposition radicale, contre le projet de révision constitutionnelle, cette partie de la classe politique mauritanienne contrarie à plus d’un titre les projets de Ould Abdel Aziz à qui l’on prête l’intention de vouloir sauter le verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels. Et l’on pourrait dire que l’opposition n’a pas eu tort de claquer la porte d’autant plus qu’un des thuriféraires du prince régnant, a tombé le masque en affirmant que la question de la limitation du nombre des mandats présidentiels n’était pas taboue et qu’elle serait, par conséquent, mise sur la table des négociations. Avec ce revirement de l’opposition modérée, l’on peut dire que la politique du diviser pour mieux régner du président mauritanien, aura fait long feu. Ce camouflet devrait pousser Ould Abdel Aziz à revoir sa copie au risque de réveiller les vieux démons. Car il a prêté serment sur le Coran, de respecter la limitation du nombre de mandats présidentiels et il devrait en conséquence, se garder de violer ce serment. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, après cet échec. Ould Abdel Aziz a peut-être perdu une bataille, mais pas la guerre. Tant qu’il aura des marges de manœuvre, il ne lâchera pas prise. Les dictateurs ont ceci de commun qu’ils n’abandonnent jamais d’eux-mêmes leur projet de régner ad vitam aeternam.
La Mauritanie est une démocratie en trompe-l’œil
Le président mauritanien a certes promis à son peuple de respecter la Constitution, mais la boulimie du pouvoir l’empêchera sans doute de tenir parole. Tous les dictateurs ont le même modus operandi, quand il s’agit de tordre le cou à la loi fondamentale. Ils font semblant de vouloir opérer des réformes alors que la finalité, c’est de trouver des voies et moyens pour demeurer au pouvoir au-delà des délais constitutionnels. En tout cas, comme on le constate, Abdel Aziz se garde de dire ouvertement qu’il va sauter la clause limitative du nombre de mandats présidentiels. Il préfère parler de réformes alors que derrière cette idée, se cache l’intention de prolonger son bail à la tête de l’Etat. Que ce soit Joseph Kabila de la RDC, Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville ou Pierre Nkurunziza du Burundi, ils ont tous initié un dialogue dit national quand bien même leurs vraies intentions étaient de rouler les autres dans la farine pour briguer un mandat auquel ils n’ont pas droit. Le cas de la Mauritanie est d’autant plus désespérant que ce pays a longtemps vécu au rythme des coups d’Etat. La Mauritanie est, en réalité, une démocratie en trompe-l’œil. Il serait donc naïf de croire que c’est avec le putschiste Abdel Aziz que le pays connaîtra une avancée démocratique. Faut-il le rappeler, le colonel Maaouiya Sid Ahmed Taya était considéré comme un satrape par bien des Mauritaniens et Abdel Aziz qui l’a chassé du pouvoir, en 2005, pourrait se révéler pire. Car, ce spécialiste des coups d’Etat ne semble pas avoir la démocratie dans son ADN. Et lui demander de quitter le pouvoir qu’il a obtenu par les armes, en renversant Sidi Ould Ckeikh Abdallahi, pourrait être trop lui demander. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce que l’on craignait, se profile à l’horizon, car tout laisse croire qu’Abdel Aziz ne reculera pas devant la clameur de l’opposition. Tant qu’il ne perdra pas le soutien de la Grande muette, il faut croire qu’il ne débarrassera pas de sitôt le plancher.