Depuis plus d’une année maintenant une atmosphère de fin de règne envahit le pays. C’est comme si le maitre à bord, fatigué de braver les mauvaises habitudes et le népotisme ambiant, a fini par lâcher du lest. D’influents conseillers l’ont peut être convaincu de composer avec la réalité sociale au lieu de continuer à vouloir révolutionner les méthodes et pratiques de gouvernance. L’autorité et le mordant des premières années ont cédé le pas à un amollissement progressif qui s’est traduit par un excès de confiance dans les proches collaborateurs. Les premiers signes de laisser-aller apparurent avec la désignation de la Commission Electorale Nationale Indépendante. On a vu avec quelle absence de scrupule les chefs des formations politiques se sont comportés. Chacun a, le plus naturellement possible, désigné son substitut : Conjointe, fils, frère, gendre ou neveu. Sagesse oblige, et pour ne pas effaroucher les alliés, ce flagrant délit fut cautionné. Ce signe de complaisance ne passa pas inaperçu et les émules ne se sont pas fait attendre.
L’occasion s’offrit sans tarder. Il fallait renouveler les instances de base de l’UPR, une commission formée de cadres frais émoulus, presque tous jeunes, intelligents et débordants d’enthousiasme fut désignée à cet effet. On s’attendait cette fois à une campagne sérieuse commandée par le souci de transparence. Mais on s’aperçut très tôt que l’opération prit des allures ubuesques, les grandes bourses entrèrent en jeu. Le pays entra dans une compétition forcenée entre les grands dignitaires du pouvoir, tous les moyens furent déployés, des plus cyniques aux plus vils, et cela sous le regard médusé du grand arbitre. Les nobles idéaux de départ furent bientôt jetés au rencart sous l’impétueuse pression des patentées superviseurs. Le parti dont on voulait élaguer les rangs pour en faire une formation sérieuse, portée par des membres engagés, se retrouva avec comme militants l’ensemble des électeurs mauritaniens constatés au dernier recensement. Nous étions en présence de la plus grande supercherie, jamais enregistrée depuis le bon vieux temps des partis uniques. Cette fois la couleuvre était fort difficile à avaler et pourtant elle le fut et sans grande émotion. On arriva par force élucubrations à accréditer l’inimaginable. Et comble de dérision les auteurs du scandale furent confirmés dans leur rôle et investis de la mission du choix des candidats du parti pour les législatives et les municipales. On peut facilement s’imaginer quelle dose d’assurance et d’audace ils en tirèrent. Le fond d’iconoclasme couvant dans les esprits de ces jeunes cadres se réveilla, irrévérencieux et sans respect pour les usages. La société traditionnelle fut sérieusement mise à mal, bousculée, froissée et ses choix insolemment bafoués. Rares sont les circonscriptions qui furent épargnées et des candidats surgis du néant furent investis. Tous ou presque, considérés de prêt, ne bénéficient que d’un atout unique, la parenté, la fidélité ou la proximité avec tel ou tel autre membre de la Commission susmentionnée. La tradition politique de bien des collectivités, leur importance démographique et le rôle prépondérant qu’elles ont de tout temps joué ont été purement et simplement dédaignés. Leurs représentations furent attribuées à des tiers parachutés et sans attaches avec le milieu. La désinvolture de l’approche fut ressentie comme un affront avec lequel bien des groupes n’ont pu s’accommoder. Ils décidèrent alors de déposer leurs listes, mais toujours dans le cadre de la majorité présidentielle. Ces partis de la majorité ont toujours été considérés comme la soupape de sûreté pour éviter que les mécontentements n’aboutissent à un transfert de voix vers l’opposition.
A partir de ce moment un glissement notoire s’est fait sentir. Le Président désormais entier pour ses mielleux, obséquieux mais intentionnés conseillers, changea de disposition à l’égard de son peuple et son ambition démocratique recula d’un cran. Il manifesta une sévérité inattendue contre ceux qui ont cru pouvoir exprimer librement des choix différents de ceux de la Commission des Cinq. De hauts et loyaux responsables administratifs furent remerciés pendant que le flair surexcité des membres de la dite Commission poursuivit sa quête pour débusquer de nouvelles victimes. Dans le camp de la majorité les mauvais conseillers du Parti œuvrèrent à distinguer deux ensembles, leurs courtisans personnels, leur suite et les autres. Aux premiers, on réserva dorénavant tous les égards et toutes les marques de bienveillance. Les autres placés en quarantaine se viennent exposés à la défiance, aux suspicions et à l’hostilité même, des décideurs. Pas un conseil des ministres ne se tint désormais sans apporter une touche nouvelle à ce favoritisme, bon enfant. Les maitres d’œuvre du clientélisme ne se gênent plus. Leurs partisans comblés de faveurs pavoisent au moment où les fidèles appuis du pouvoir, ulcérés et moroses subissent amèrement les contrecoups de l’iniquité. Un peu de justice sied bien aux grands règnes et le Président doit s’aviser à temps et se libérer des cancans des délateurs pour voir avec la même condescendance, de son début de mandat, son peuple et ses légitimes attentes. Les faveurs de l’Etat, je dis bien les faveurs de l’Etat, sont un bien commun à tous et doivent être distribués avec plus de circonspection pour profiter à tous.
Ce ne sont pas là les propos d’un opposant, mais ceux d’un admirateur qui regrette de voir la règne combien laborieux et illustre de son EXCELLENCE MOHAMED OULD ABD EL AZIZ finir sur une fausse note aussi désagréable.
o
Professeur Abderrahmane Ould Sidi Hamoud