L’impérieuse nécessité de la concrétisation et de la réussite du énième dialogue proposé aux mauritaniens par les acteurs politiques nous impose tous de suivre ce processus avec intérêt.
Rappelons la frustration et l’amertume des mauritaniens suite aux échecs successifs des dialogues que nos dirigeants politiques avaient engagés durant ces dernières années malgré l’éclaircie laissée par les résultats des rencontres entreprises par la Coalition pour une Alternance Pacifique et le Pouvoir.
Le succès du dialogue tant attendu restera soumis à la volonté politique et au degré de conviction de chaque partie de porter la responsabilité de parler non pas au nom d’une formation politique, d’un groupe ou d’une entité quelconque, mais de toute une nation. Benjamin Barber, ancien conseiller de Bill Clinton disait que «pour réussir, le dialogue doit avoir pour fonction de sortir du cadre étroit des intérêts, il ne faut pas le réduire à un marchandage, il faut rechercher une mutualité. »
Et comme l’écrivait un respectable homme politique mauritanien « le dialogue politique ne peut être une opération de relations publiques ou de communication à moindres frais. C'est une volonté sincère de résoudre les problèmes réels posés au pays, dans un esprit de compromis et d'apaisement qui doit en être la base. Il suppose des mesures de confiance et d'ouverture... »
En effet ce dialogue devra être l’occasion pour les mauritaniens, au-delà des poignées de mains symboliques, des sourires sincères ou forcés, l’opportunité d’une réelle symbiose des cœurs et d’une large ouverture des esprits ; l’écoute, la reconnaissance et le respect mutuels favorisent l’empathie et le rapprochement alors que le mépris, le dédain, la condescendance poussent à l’intransigeance et sont source de haine et de rancœur.
Les mauritaniens attendent de leurs dirigeants et de leurs hommes politiques la capacité de dépasser et de transcender les contradictions secondaires et de jeter les bases d’une gestion démocratique plus renforcée constamment attentive aux intérêts des citoyens et à la sauvegarde des acquis, d’une redéfinition des règles du jeu politique et de la mise en place d’institutions républicaines crédibles et acceptées de tous. La fragilité du tissu social de notre pays, ses difficultés économiques, l’instabilité du monde, imposent aux hommes politiques au pouvoir ou dans l’opposition de mesurer la gravité de chacun de leurs actes, chacune de leurs décisions ; le peuple mauritanien ne doit point être l’otage éternel de conflits d’intérêts individuels ou partisans.
Les mauritaniens ont le droit de vivre libres, égaux, éduqués, riches, et leurs dirigeants, leurs leaders politiques, leurs intellectuels, leurs religieux, leurs hommes d’affaires… sont dans l’obligation de servir la patrie et non de s’en servir. La persistance des crises et des impasses politiques crée des boulevards d’incertitudes et de dangers qui sont venus à bout de nations bien mieux armées que la notre pour relever ce genre de défis. Dans une société en crise de rituel démocratique, le dialogue pourvoyeur de consensus va sacraliser de nouvelles normes.
La réalité nous montre que l’étoffe du consensus est tissée de soumission librement consentie à des nécessités immédiates. Très vite cependant la démocratie devra reprendre son cours normal car le consensus sonne le glas de l’éthique, le besoin d’ordre normatif tend à rechercher l’exclusion du risque d’égarement alors que la démocratie nous permet de nous égarer sans nous perdre. Nos dirigeants et nos hommes politiques ont sur leurs épaules, à travers ce consensus, que nous attendons de tous nos vœux, de mettre la Mauritanie dans les meilleurs délais au diapason des démocraties respectée de ce monde, des nations fortes parce que libres et égalitaires, souveraines et indépendantes.
Notre richesse culturelle, notre diversité démographique, nos valeurs islamiques et notre histoire sont des atouts. Gageons que d’un coté comme de l’autre, pouvoir comme opposition, on saura consentir les sacrifices nécessaires, briser enfin la glace en vue du sursaut final et salvateur vers l’intérêt supérieur de la Mauritanie toute entière. Il n’est jamais trop tard pour bien faire…
Imam Cheikh
PS : Cet appel de notre doyen Imam Cheikh au dialogue national a été lancé le 15 février 2015. Cet article est plus que jamais toujours d'actualité en raison de son contenu consensuel et profond. Ce qui a justifié cette re-publication.