L’Inde veut criminaliser le divorce instantané musulman ou "triple talaq"

mar, 01/02/2018 - 23:32

« Un jour historique », a lancé le ministre indien de la justice. La chambre basse du Parlement indien a voté jeudi 28 décembre un projet de loi prévoyant des peines de prison pour les hommes musulmans qui tentent de divorcer par le controversé « divorce instantané », plusieurs mois après son interdiction par la Cour suprême pour violation des droits des femmes.

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Le texte du gouvernement a été adopté malgré une forte résistance de l’opposition, achevant ainsi la première étape pour faire de la pratique du divorce instantané un acte criminel en Inde.

Des affaires de divorces instantanés sur Skype ou Whatsapp

Le divorce instantané ou « triple talaq » a lieu lorsqu’un musulman termine son mariage en prononçant simplement trois fois de suite le mot « talaq », qui signifie « vous êtes divorcé » en arabe. En août dernier une « affaire talaq » avait été portée devant la Cour suprême indienne : une femme musulmane avait été répudiée après que son mari a utilisé cette coutume du « triple talaq » pour divorcer. De nombreuses femmes musulmanes avaient présenté une requête à la Cour suprême, affirmant que le pouvoir unilatéral des hommes musulmans de mettre fin aux mariages viole directement la constitution indienne et leur droit fondamental à l’égalité. Des affaires de divorces instantanés par lettre, Skype ou même message Whatsapp ont fait les gros titres ces dernières années en Inde. À la suite de cette affaire, faisant suite à des centaines d’autres, la Cour suprême l’avait déclaré inconstitutionnel et avait demandé au gouvernement de légiférer pour l’interdire.

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Pour autant, selon le ministre Ravi Shankar Prasad, la pratique se poursuit en Inde malgré la décision de la Cour suprême, forçant le gouvernement à adopter rapidement une loi pour « interdire explicitement le triple talaq ». Le projet de loi rend ce type de divorce nul, passible d’une amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. Il propose également que les hommes soutiennent financièrement leurs anciennes épouses, qui auront la garde des enfants. Le projet de loi doit maintenant être adopté par la Chambre haute avant d’entrer en vigueur.

L’Inde n’a pas de Code civil unique

Selon les députés de l’opposition, le parlement outrepasse ses prérogatives avec cette législation, les questions matrimoniales n’entrant pas selon eux dans ses attributions. Ils ont réclamé la création d’un comité spécial pour examiner le projet de loi. L’Inde n’a pas de loi civile uniforme pour le mariage, le divorce et la propriété. Sa constitution permet aux adeptes de chaque religion d’utiliser leurs lois religieuses pour gérer de telles questions, y compris les 180 millions de musulmans, la plus grande minorité religieuse dans le pays majoritairement hindouiste.

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Plus globalement, ce dossier sensible du « triple talaq » concernant les musulmans du pays, s’inscrit dans une plus large démarche juridique qui vise depuis 2016 à mettre en œuvre un Code civil unique, applicable à tous les citoyens indiens, indistinctement de leur appartenance religieuse. Il s’agissait d’une promesse du parti de la droite nationaliste hindoue (BJP) du premier ministre Narendra Modi qui a remporté les élections en 2014.

L’État de Goa est la seule exception

Pour les partisans de ce Code civil unique, « l’affaire talaq » symbolise les carences du système judiciaire actuel indien, dénué de Code civil unique, notamment en matière d’égalité des sexes, les femmes étant régulièrement victimes du droit privé religieux qui leur est défavorable en droit de la famille. L’argument constitutionnel est également évoqué par les partisans d’un Code civil unique. L’article 44 de la Constitution indienne stipule en effet qu’« il est du devoir de l’État d’instaurer un Code civil ». Et selon eux, une république laïque se doit d’avoir une loi unique s’appliquant à tous les citoyens. Un seul État indien, Goa, dispose actuellement d’un Code civil unique, le Goa Civil Code, également appelé le Goa Family Law, inspiré du Code civil portugais, datant de la période coloniale. C’est ce Code civil unique qui régit les droits de la personne. Un modèle pour tout le reste du pays.

Dorian Malovic

La-croix.com

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