Le Maroc vient de déposer une demande pour être autorisé à exporter des produits à base de viandes de volailles vers l’UE. Sauf que tout pays tiers qui souhaite exporter ce type de produits d’origine animale doit faire l’objet d’un audit de la part de l’UE afin d’évaluer et les compétences techniques des services vétérinaires des autorités compétentes et l’efficacité de leurs systèmes de contrôle.
Du 11 au 22 septembre dernier, les inspecteurs de l’UE se sont rendus au Maroc pour vérifier, entre autres, les mesures prises par l’Onssa en matière de sécurité sanitaire des produits à base de viandes de volailles depuis un premier audit (effectué du 6 au 14 mars 2017) sur l’amont de la filière avicole (1). A l’issue de cet audit, des conclusions passablement sourcilleuses sur les systèmes de contrôle sanitaire de l’Onssa avaient été rédigées par les experts de l’UE. Un communiqué de presse lapidaire de l’Onssa, daté du 30 septembre dernier, s’était contenté de dire «que la mission de vérification des experts de l’UE s’était passée dans de bonnes conditions».
Or, les conclusions de l’audit de mars dernier étaient on ne peut plus décourageantes: «Les conditions ne sont pas pleinement réunies pour une certification sanitaire des élevages produisant de la viande de volaille pour l’exportation de produits carnés vers l’UE», précisent les experts de l’UE dans le rapport. Et, comme cela se passe habituellement avec les audits de l’UE dans les pays tiers, le pays demandeur a droit à une session de rattrapage. Il est alors invité à rectifier les non-conformités observées par les experts européens et surtout à s’engager à mettre en œuvre les actions nécessaires pour obtenir les autorisations requises à l’export vers le marché communautaire.
Cadavres abandonnés
Quant à la surveillance, le contrôle et l’éradication de l’Influenza aviaire (IA) (grippe aviaire) et de la maladie de Newcastle (MN) (pseudo-peste aviaire), les inspecteurs de l’UE avaient noté -à l’issue de leur audit de mars 2017- que l’organisation de certains aspects de surveillance dans l’élevage «limitait la portée des contrôles officiels pour vérifier l’application des normes de détection précoce». Selon le rapport, le suivi effectué lors de la découverte dans la nature de milliers de cadavres de volailles en 2016 (provenant vraisemblablement d’élevages commerciaux) «laissait planer un doute sur la capacité effective de ces contrôles». Les experts de l’UE avaient considéré que le système de surveillance de la MN en place actuellement «ne permettait pas aux autorités compétentes d’identifier et de notifier de possibles foyers d’infection», notamment à cause de l’absence et de définition réglementaire de la maladie et d’analyses effectives de suspicions de maladie. L’audit avait aussi constaté que pour la MN, seul le labo de Casablanca était équipé pour effectuer des essais sur cette maladie.
Maladies mal suivies
Sur un tout autre registre, celui des exigences relatives au contrôle des mouvements des volailles vivantes, les experts de l’UE avaient également épinglé des faiblesses dans la traçabilité et les conditions sanitaires du transport des volailles et l’absence de base de données nationale qui pourrait faciliter ces contrôles. Aux yeux de l’UE, ces lacunes «limitaient les capacités de contrôle de foyers de maladies contagieuses». Les experts avaient également relevé que les volailles de basse-cour et les tueries traditionnelles n’étaient pas du tout sous le contrôle de l’Onssa. De surcroît, les transporteurs n’étaient pas tenus de conserver des registres de leurs activités, en plus de l’absence de normes liées aux documents de transport de volaille.
Contrôle officiel
Répondant aux recommandations des experts de l’UE, l’Onssa s’est engagé à remédier aux lacunes constatées en proposant un plan d’action orienté dans ce sens (2). Sur la nécessité de définir le virus permettant d’identifier tout cas de grippe aviaire hautement pathogène (IAHP), l’Onssa a sorti le projet d’arrêté ministériel qui avait été élaboré et déjà mis dans le circuit de validation et de publication -avant même l’arrivée des inspecteurs européens au Maroc-. Cette définition tient compte du nouveau lexique de l’IAHP en particulier de l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale) et par la même occasion, elle devrait permettre d’actualiser les montants des indemnisations des éleveurs de volailles et de les inciter à déclarer la maladie en cas de suspicion.
Pour l’identification des foyers de maladie de Newcastle, l’Onssa a précisé que le même arrêté ministériel définirait clairement la maladie, le système de surveillance et les mesures complémentaires et spéciales pour combattre la maladie ainsi que les mesures de police sanitaire spécifiques à appliquer en cas de foyer de maladie, y compris les indemnités à verser aux éleveurs en cas d’abattage sanitaire. Quant aux labos, l’Office précise qu’une procédure de reconnaissance de laboratoires privés, pour certains types d’analyses en santé animale, était en cours d’élaboration.
Cette procédure est censée responsabiliser les labos privés et les engager à notifier à l’Onssa les résultats de leurs investigations analytiques vis-à-vis de certaines maladies animales, en particulier la MN. Par rapport aux registres d’élevage permettant de s’assurer du respect des normes de notification à l’autorité compétente et des contrôles officiels qui apporteraient une assurance de leur correcte application, l’Office marocain assure qu’une note en ce sens devrait être transmise à l’Ordre national des vétérinaires et à ses directions régionales.
Quant aux programmes annuels du contrôle officiel des unités avicoles, ils devraient être définis en concertation avec les services vétérinaires provinciaux en tenant compte de l’importance de la filière avicole au niveau de leurs périmètres d’action. L’Office a aussi précisé qu’un recensement national des unités d’élevage était en cours. Il devrait donner une idée plus précise sur leur localisation ainsi que sur le nombre de volailles, estimé à environ 27 millions de têtes.
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(1) Un dernier audit est programmé pour le mois de décembre 2017 pour évaluer cette fois-ci l’aval de la filière avicole (établissements d’abattage, de préparation et de transformation des viandes de volailles).
(2) Plan d’action qui est actuellement évalué par la Commission européenne qui suit sa mise en œuvre au travers d’un certain nombre d’activités de suivi.
De notre correspondant permanent à Bruxelles, Aziz Ben Marzouq
leconomiste.com