La Tunisie et les femmes : le dossier est avenant. Le petit pays d’Afrique du Nord, creuset du modernisme en terre musulmane, en a même fait l’un de ses marqueurs sur la scène internationale. Le crédit est assurément légitime. Il est dû à une vraie révolution, celle mise en œuvre dès l’indépendance de 1956 par Habib Bourguiba, « père de la nation », sous la forme d’un code du statut personnel qui propulsa la Tunisie à l’avant-garde du monde musulman en matière de droits des femmes.
L’égalité entre les sexes demeurait néanmoins incomplète et les féministes tunisiennes n’ont pas relâché la pression. Le 13 août, à l’occasion du 61e anniversaire du code de 1956, le président Béji Caïd Essebsi, ancien ministre de Bourguiba, a créé la surprise. Il a fait état de sa volonté personnelle de progresser sur deux dossiers : l’égalité dans le domaine de l’héritage et la levée de l’interdiction, pour une Tunisienne musulmane, de se marier avec un non-musulman, disposition éminemment discriminatoire (les hommes tunisiens, eux, ont le droit d’épouser une non-musulmane). L’annonce intervenait deux semaines après l’adoption d’une loi réprimant les violences faites aux femmes. La cause des femmes a le vent en poupe en Tunisie.
Calendrier troublant
Le 13 septembre, nouveau coup de théâtre. Alors que les sceptiques avaient prédit d’interminables discussions pour concrétiser le discours présidentiel du 13 août, M. Essebsi honore sans tarder l’une de ses deux promesses. Il abroge la circulaire qui proscrivait le mariage entre une Tunisienne et un non-musulman. L’égalité successorale, elle, attendra, mais la dynamique est positive.
Alors pourquoi ces réserves, ces doutes et ces contrariétés dans le concert de réactions favorables aux initiatives du président ? C’est que le calendrier est troublant. L’abrogation de la circulaire sur le mariage est survenue au lendemain de l’adoption par le Parlement d’une loi amnistiant les fonctionnaires impliqués...
Lemonde