Moulay Ould Mohamed Laghdaf : limogé ou « libéré » ?

jeu, 06/01/2017 - 01:52

 Le mini remaniement de lundi dernier a ravivé la « guerre des clans ».

Celui du Premier ministre Yahya Ould Hademine et de son prédécesseur, et désormais ancien ministre secrétaire général de la Présidence, Moulay Ould Mohamed Laghdaf. Issus tous deux du Grand Charg (est du pays), réservoir électoral sur lequel compte tout pouvoir en Mauritanie pour s’installer dans la durée, les deux hommes luttent, par soutiens interposés, pour occuper le terrain politique et médiatique.

Les points comptent beaucoup à la veille d’un scrutin référendaire dont l’enjeu n’échappe à personne mais dont l’issue reste une inconnue, malgré l’assurance affichée par le pouvoir.

Dans cette « guerre d’usure » à laquelle l’opposition assiste en spectatrice, le camp du Premier ministre présente la sortie du gouvernement de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf comme un limogeage. Ni plus ni moins.

L’homme serait tombé subitement en disgrâce après la démonstration de force effectuée par Ould Hademine dans son fief de Djiguenni. Le Premier ministre a montré au président Aziz qu’il peut compter sur lui pour faire passer SES amendements dans ce Grand Charg où les rivalités politiques entre les barons du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) sont plus exacerbées, en période électorale, que celles qui existent traditionnellement entre la majorité et l’opposition.

Donc, Moulay Ould Mohamed Laghdaf ne siège plus au conseil des ministres du jeudi, au côté gauche du raïs, comme pour faire pendant au « pouvoir » du Premier ministre. Mais ceux qui célèbrent déjà sa « mort » politique ont tort. On peut perdre une bataille sans perdre la guerre, si l’on accepte même que ce départ s’apparente à un limogeage. L’histoire politique dans notre pays est pavée de retours gagnants. Et les relations entre le président Aziz et son ami Moulay sont impénétrables.

Certains oublient que c’est cet homme, calme, intelligent (malgré ce qu’on en pense en tant qu’opposants) et « sociable » qui a permis à Ould Abdel Aziz de « contenir » les soubresauts de l’après coup d’Etat d’août 2008. Sa profonde connaissance de la mentalité des mauritaniens et ses rapports à l’Occident ont beaucoup joué pour qu’Aziz maintienne le cap de sa « révolution », après sa révolte contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Personne ne nie également que Moulay est l’un des rares hommes (du pouvoir) qui savent parler à l’opposition. Dans le camp de l’opposition modérée que représentent le président de l’APP Messaoud Ould Boulkheir et celui d’Al wiam, Boidiel Ould Houmeid, on apprécie bien le tempérament de cet homme. Dans le camp de la majorité on a souvent besoin d’une colombe comme Ould Mohamed Laghdaf quand la tension devient grande. Et, je pense, que la situation actuelle l’exige.

La « fronde » des sénateurs renforce le camp de l’opposition parce qu’elle crée la situation insolite « d’opposition dans la majorité ». Elle menace le « projet » réformiste du président Aziz en lui faisant courir trois risques : l’échec, la contestation post-électorale ou le recours à la fraude. L’instabilité politique peut alors se transformer en instabilité sociale.

Le retour de l’option du « troisième mandat » n’est pas la meilleure façon d’apaiser les esprits. Certes, le Premier ministre, en verve à Tintane et à Djiguenni, devant des milliers d’inconditionnels de la « Mauritanie profonde » a affirmé que CE pouvoir ne quittera pas après 2019, mais cela ne veut pas dire expressément qu’Aziz est tenté par un nouveau mandat. La stratégie qui prend de plus en plus forme est celle d’un scénario à la Sidioca. Mais avec qui ? C’est la question à laquelle personne ne peut encore répondre.

Sauf ceux qui pensent, à tort ou à raison, que Moulay Ould Mohamed Laghdaf n’a pas été « limogé » mais « libéré » pour se préparer à l’après 2019 !

 

Sneiba Mohamed

Le Courrier du Nord

 

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