La disparition, le 5 mai, d’Ely Ould Mohamed Vall bouleversera-t-elle les rangs de l’opposition et, plus largement, ceux des candidats à la prochaine présidentielle ?
Le colonel Ely Ould Mohamed Vall, ancien président de transition de la Mauritanie (2005-2007), ne combattra pas avec sa fougue habituelle le référendum constitutionnel organisé le 15 juillet par son cousin germain, le président en exercice Mohamed Ould Abdelaziz. Il est décédé, vendredi 5 mai, d’un accident cardio-vasculaire. Passé la vive émotion, certains se demandent dans quelle mesure sa disparition bouleversera les rangs de l’opposition mauritanienne. « Ely n’a jamais occupé une position importante sur cet échiquier, estime Mohamed Fall Ould Oumère, ancien directeur de Sahel TV. Lors de l’élection présidentielle de 2009, il n’avait recueilli que 3,81 % des suffrages. Mais il avait réussi la transition vers un régime civil et jouissait d’une audience internationale. Il aurait pu jouer un rôle fédérateur dans la perspective de l’élection présidentielle de 2019. »
Présidentielle 2019
Ancien chef de la sécurité, opposant intraitable à son cousin, qu’il exaspérait, il était crédible et intouchable. Il était notoire qu’il espérait être en 2019 le candidat du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), avec lequel il manifestait régulièrement, malgré la sourde hostilité à son endroit des islamistes de Tawassoul, autre membre du Forum. Lui disparu, le FNDU, qui regroupe des partis, des syndicats et des membres de la société civile, mais aussi le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) d’Ahmed Ould Daddah et l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) de Biram Dah Ould Abeid, risquent d’avancer en ordre dispersé vers une élection à laquelle le président sortant, Ould Abdelaziz, ne peut plus se représenter.
La population en a assez de cette classe politique qui ne représente qu’elle-même
Difficile de dire qui seront les compétiteurs du prochain scrutin présidentiel ! Le chef de l’État garde secret le nom de son candidat. Plusieurs figures historiques, tels Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Alliance populaire progressiste (APP), auront dépassé la limite d’âge en 2019 et ne pourront plus faire acte de candidature.
Quant au populaire et inclassable Ahmed Ould Hamza, ancien maire de la Communauté urbaine de Nouakchott, il appartient à la grande tribu des Ouled Bousbaa, dont sont également issus l’ancien président Vall, l’actuel président Ould Abdelaziz et le célèbre homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou. Or beaucoup jugent qu’une « alternance tribale » est indispensable. « La population en a assez de cette classe politique qui ne représente qu’elle-même, résume un ancien ministre. La réforme constitutionnelle va modifier les équilibres locaux et recomposer la scène politique. C’est pourquoi je verrais assez bien un outsider surgir, à la manière de Macron en France ! »
Référendum
Mais la Mauritanie doit d’abord passer par la case « référendum », le 15 juillet. Le chef de l’État veut notamment supprimer le Sénat, créer des conseils régionaux, modifier le drapeau et l’hymne national, ce que refuse en bloc l’opposition. La question du drapeau, apparemment insignifiante – ajout de deux bandes rouges pour honorer les martyrs du pays – étant devenue très sensible au sein de l’opinion, le président a décidé de façon astucieuse de la séparer des autres questions référendaires.
Les électeurs seront donc appelés à s’exprimer deux fois, d’une part sur le Sénat et les conseils régionaux, d’autre part sur le drapeau et l’hymne national. Enfin, le chef de l’État a annoncé qu’il ne démissionnerait pas, quels que soient les résultats du référendum, ôtant à ses adversaires l’occasion de personnaliser le vote.
D’abord tentés par le boycott, ceux-ci semblent se diriger vers un appel à voter « non » aux deux questions, mais rien n’est officiel… Et ils n’ont plus le président Vall pour rugir avec eux ! Alain Faujas
Jeune Afrique