Blessé au Bataclan, je peux vous assurer que la société de Le Pen est celle que les terroristes veulent nous imposer
Parce que la société que nous offre Marine est une société divisée, une société de méfiance, de défiance. Exactement ce que recherchent les terroristes qui nous attaquent.
En décembre 2015, je me fendais d'un petit billet ici-même pour expliquer mon dégoût et ma répugnance face aux récupérations politiques des attentats, au tout-sécuritaire et à ses illusions, et mon rejet du repli sur une France qui n'existe plus -si elle a jamais existé- proposé par certaines mouvances. En effet, j'ai été blessé au Bataclan, j'ai passé plus de quatre mois à l'hôpital, aujourd'hui ça va mieux, merci, mais voilà: plus d'un an s'est écoulé depuis ce billet. D'autres horreurs ont marqué la France. Et rien n'a changé.
Je n'aime pas me répéter. J'ai l'impression que si le message n'est pas passé la première fois, ce n'est plus la peine d'insister. Mais certaines causes en valent la peine. Et après tout c'est peut-être moi qui n'ai pas trouvé les bons mots, les arguments percutants, peut-être que je n'ai pas assez réfléchi à l'audience que je voulais toucher. Après tout, si c'est juste pour que l'article tourne entre convaincus, à quoi bon? Mon but n'est pas de prêcher des convertis, c'est d'essayer de montrer à certains de ceux qui votent par peur de l'islamisme radical et des attentats qu'ils se trompent.
Ma blessure, consolidée depuis quelques temps déjà, me démange. Mes cicatrices me grattent. Mon rythme cardiaque s'accélère.
Le 21 Avril 2017, une fusillade a eu lieu sur les Champs Elysées, un policier est mort, il y a plusieurs blessés, et l'Etat Islamique a revendiqué l'attaque. Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit-là. Presque un an et demi après les faits, ça me fait toujours bizarre. Ma blessure, consolidée depuis quelque temps déjà, me démange. Mes cicatrices me grattent. Mon rythme cardiaque s'accélère. Je stresse. Je replonge un peu. Je n'y peux rien, c'est physique.
Malheureusement, je suis rarement tranquille plus de quelques mois de suite. Je me fais rattraper. Mais cette fois-ci, il y a un enjeu supplémentaire. Nous sommes en période électorale. Et cet attentat de plus, si tous les politiques avaient la décence que devrait leur imposer leur rôle, aucun ne tenterait de le récupérer à des fins électorales. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Oh, Marine n'est pas seule. On peut aussi aller voir du côté de François. La priorité absolue, vraiment, François? Plus que le chômage, la paupérisation, ou la perte totale de confiance des Français envers leurs représentants? Et puis, merde, François, rends l'argent on te dit. Et les autres aussi en ont parlé, bien sûr, Manu, Beubeu, Méluche, mais bizarrement, le propos n'est pas le même. On n'est plus dans cette tentative de dire aux Français: "Avec moi, vous serez en sécurité". Parce que les Français veulent se sentir en sécurité, isolés des misères du monde, reléguées dans des pays lointains.
Et comment ne pas les comprendre? Nous sommes tous terrorisés, au sens le plus strict du terme. Nous voulons être rassurés. Nous voulons être protégés. Nous ne voulons pas avoir peur. Et Marine nous offre tout cela. Elle va arrêter les méchants. Elle va nous entourer de ses bras bienveillants et nous pourrons nous y reposer en toute confiance. Elle ou ceux qui appliquent la même rhétorique.
Le risque zéro est une illusion
Ce serait bien, mais c'est faux. D'abord parce que le risque zéro est une illusion. Tous les policiers du monde ne peuvent empêcher un individu déterminé de commettre un attentat. Tout simplement parce qu'il suffit de monter dans une voiture et d'aller semer la mort au hasard de ses roues. Ensuite parce que la société que nous offre Marine est une société divisée, une société de méfiance, de défiance. Exactement ce que recherchent les terroristes qui nous attaquent. Pas étonnant que certains se radicalisent si nous en faisons des suspects par défaut. Nous entretenons une prophétie auto-réalisatrice. Heureusement, je pense que la société française est plus forte que les terroristes ne le pensent, et je crois que ces "islamistes extrémistes" français, que certains essaient désespérément de nous faire assimiler à d'autres qui n'ont rien à voir, ne représentent rien qu'une goutte d'eau qui ne saura jamais faire déborder le vase. Je vous invite à lire la chronique de Thomas Guénolé à ce sujet. Enfin parce que, et c'est ma conviction profonde, il est toujours préférable d'être libre que d'avoir l'illusion de la sécurité. La limitation des droits civiques de tous au nom d'une infime minorité est plus qu'un scandale: c'est une atteinte à la démocratie. Victime d'un attentat, après un attentat supplémentaire, je le dis haut et fort: l'état d'urgence n'a que trop duré. Il cristallise les angoisses. Comment se sentir en sécurité avec des militaires dans les rues? Ils ne font que nous rappeler que la menace est là, présente, sournoise. Et là je ne m'adresse pas qu'à la droite...
Après ce premier tour, électeurs, je vous le demande: avant de voter, tournez sept fois votre bulletin dans votre enveloppe. Réfléchissez. Comme je le disais il y a plus d'un an sur un ton plus relâché:
« (...) On va vite se calmer et voter avec sa tête plutôt qu'avec des sentiments exacerbés et passagers. J'aime mon pays et je ne pouvais pas rêver d'un meilleur endroit pour me prendre une balle. N'en faisons pas un pays de cons. »
Parce que la solution n'est jamais le repli, jamais le retour en arrière, mais la confiance en l'avenir, toujours.
Moi aussi j'ai peur. Moi aussi je veux que les attentats s'arrêtent. Moi aussi je veux être rassuré, je veux qu'on me dise que tout ira bien comme seule une maman sait bien le faire. Mais Marine ne fera pas une si bonne maman pour les Français. Elle nous laissera peut-être chanter, mais elle ne nous laissera certainement pas nous envoler. Ah, et merci pour les nichons, c'était cool de votre part.
Billet écrit et mis en ligne initialement sur Fier Panda.Leur page Facebook.
Daniel R. Blogueur pour Fier Panda
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