L'avocat Robert Bourgi sort de son silence et affirme que François Fillon et son entourage ont fait pression contre lui dans l'affaire des costumes.
L'avocat franco-libanais Robert Bourgi a confirmé dans un enregistrement à franceinfo les propos tenus dans une interview accordée vendredi 14 avril à Médiapart. Selon lui, François Fillon, candidat de la droite à la présidentielle l'a appelé pour lui "demander de mentir" dans l'affaire des costumes, désormais "à Nanterre, dans les locaux de la police".
franceinfo : Avez-vous parlé à François Fillon avant les révélations du Journal du Dimanche sur l'affaire des costumes ?
Robert Bourgi : J'ai subi quelques petites pressions politiques qui m'insupportaient. François Fillon et Anne Méaux, sa grande papesse de la communication, m'ont appelé chacun à leur tour en début d'après-midi samedi [la veille des révélations dans le JDD] pour dire : "Il va sortir demain dans le JDD un article où on dit que tu as offert des costumes à François Fillon". Et moi j'ai répondu : "Quel est le problème ? Est-ce qu'il y a un règlement, une loi, qui puisse interdire d'offrir quelque chose à un ami de manière totalement désintéressée ?" Les deux m'ont dit : "Tu comprends, il ne faut pas que tu dises que c'est toi, parce que c'est la Françafrique, et tout, et tout..." Je leur ai dit : "Vous croyez que je vais traîner toute ma vie, la Françafrique ? J'ai acheté les costumes avec mes deniers, j'ai payé par chèque, où est le problème ?" Toujours est-il que François Fillon a insisté et a fait appel à ma solidarité de gaulliste. Il m'a dit "Je ne voudrais pas que l'on puisse savoir que c'est toi".
J'ai menti pendant une semaine à la demande de M. Fillon, sur les conseils d'Anne Méaux. C'est ridicule d'avoir menti, tôt ou tard ça devait se savoir.
Il m'a amené à mentir à des dizaines de journalistes que je connais depuis longtemps, jusqu'à la parution du journal Le Monde qui a dévoilé mon nom. Là dessus, j'ai quitté Paris pour prendre le large [Robert Bourgi se trouve actuellement au Liban].
Comment avez-vous acheté ces costumes et pourquoi ?
J'ai commandé deux costumes à François Fillon au mois de novembre 2016, juste après son triomphe inespéré à la primaire. Aucun bookmaker ne le donnait vainqueur. J'ai dit que si Fillon, gagnait je lui offrais deux costumes. À charge pour lui de choisir les étoffes. J'ai dit à la maison Arnys, où je me sers souvent et dont M. Fillon est le client depuis longtemps, de commander deux costumes. Et de m'envoyer la facture quand tout serait terminé. Ce fut fait au mois de février 2017. J'ai réglé par chèque, 13 000 euros. Je tiens à dire et à redire que je n'ai jamais offert autre chose que deux costumes en novembre 2016, à M. Fillon [et un troisième, offert en 2014]. La veille de son passage à L'Émission politique sur France 2, François Fillon m'a appelé et m'a dit qu'il me restituait les costumes. Je lui ai demandé pourquoi me rendre des costumes qu'il avait portés. Et effectivement, il m'a dit les avoir portés. Les costumes m'ont ensuite été restitués par M. Fillon à mon cabinet. Il y avait trois costumes, dont un que je lui avais offert en décembre 2014 : un blazer bleu marine et un pantalon gris.
Je n'ai pas ouvert les housses quand M. Fillon me les a rapportées, elles sont depuis à Nanterre dans les locaux de la police.
Pourquoi vous exprimez-vous aujourd'hui, à une semaine du premier tour de l'élection présidentielle ?
Il n'y a aucune arrière pensée dans tout cela, aucun calendrier précis. Il y a des élections dans une semaine et j'ai dit que je voterai pour François Fillon au premier tour. Je voulais mettre les choses au clair, un point c'est tout.
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