La seule et unique conseillère voilée de l’ère Obama, c’était elle, Rumana Ahmed, le visage radieux de la diversité au sein de l’aile l’ouest de la Maison Blanche où ses bons et loyaux services en firent, au fil des ans, une recrue de choix du Conseil national de la sécurité.
Née à Washington, dans sa proche banlieue, de parents originaires du Bangladesh qui s’envolèrent en 1978 pour la grande Amérique, en quête d’un eldorado, Rumana Ahmed semblait prédestinée à évoluer un jour dans les antichambres du pouvoir, même si sa défiance envers la classe politique et les élites dirigeantes américaines la dissuadait d’emprunter cette voie-là.
Mais c’était sans compter le fol espoir insufflé à la jeunesse issue de l’immigration et à la jeune hijabi qu’elle était par l’euphorie Obamaniesque. En 2011, fraîche émoulue de l’université de Washington, elle esquissa, à tout juste 22 ans, ses premiers pas dans la prestigieuse enceinte de la Maison Blanche, après avoir été dûment sélectionnée pour jouer, dans l’ombre, un rôle clé dans le traitement d’informations classifiées, en liaison avec le département de l’immigration et la communauté musulmane américaine.
« C’était vraiment enthousiasmant ! J’ai participé activement à l’organisation des lftars à la Maison Blanche, et aussi loin que je me souvienne, je ne me suis jamais posé la question de savoir si ma jeunesse, mon inexpérience et mon islamité étaient des handicaps, et d’ailleurs, on ne m’a jamais fait ressentir qu’ils mettaient en cause ma crédibilité », confie-t-elle aujourd’hui à la presse américaine. Elle égrène ses souvenirs non sans un pincement au cœur, alors que l’arrivée fracassante de Trump dans le Bureau ovale et son décret anti-immigration, transpirant le racisme d’Etat, ont eu finalement raison de sa détermination à rester, fidèle au poste, coûte que coûte.
Ne se faisant plus aucune illusion sur sa capacité à faire revenir le 45ème président des Etats-Unis à de meilleurs sentiments, Rumana Ahmed a rendu son tablier, la mort dans l’âme, au terme des huit premiers jours retentissants et tumultueux de son règne implacable.
« Comme la plupart de mes concitoyens musulmans, j’ai passé une grande partie de l’année 2016 à suivre avec consternation la campagne islamophobe de Donald Trump, qui dénigrait et diabolisait continuellement notre communauté. Malgré cela, ou plutôt à cause de cela, je pensais que je devais toutefois essayer de travailler dans sa nouvelle administration, pour que le président et ses collaborateurs aient une vision plus nuancée de l’islam et des citoyens musulmans d’Amérique. J’ai tenu huit jours », explique-t-elle avec amertume, en précisant, affligée : « Lorsque Trump a signé son décret interdisant l’entrée des Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans et à tous les réfugiés syriens, j’ai su que je n’étais plus à ma place au sein de ce gouvernement qui considère les gens comme moi, non pas comme des concitoyens, mais comme une menace ».
Son désenchantement n’en sera que plus grand lorsqu’elle apprendra, quelques jours après avoir jeté l’éponge, que l’un des proches conseillers de Trump, Michael Anton, avec lequel elle partagea un bureau et qui était resté impassible devant son réquisitoire cinglant contre un gouvernement qui « bafoue les grands principes démocratiques et s’acharne à rabaisser et à rendre la vie impossible à des Américains comme moi », est l’auteur d’un pamphlet au vitriol vantant les vertus de l’autoritarisme, dans lequel il appelle à en finir avec le multiculturalisme, cette « faiblesse », et affirme de manière péremptoire que « l’islam est incompatible avec l’Occident moderne ».
La conseillère voilée, discrète et non moins très efficace, de Barack Obama, qui éprouvait alors de la fierté à incarner la diversité dans le saint des saints du pouvoir, riche des valeurs musulmanes que lui avaient inculquées ses parents, lesquels vécurent pleinement leur rêve américain jusqu’au décès brutal de son père dans un accident de voiture en 1995, souhaitait par-dessus tout être une source d’inspiration pour ses coreligionnaires et leur prouver qu’ils ont leur place sur le sol de la bannière étoilée.
Loin de la Maison Blanche où elle n’aura laissé que de bons souvenirs à celles et ceux qui l’ont côtoyée, Rumana Ahmed doit à présent se réinventer un avenir au cœur d’une Amérique agitée par de violents soubresauts, en tentant de résister au torrent d’outrances et de haine qui n’a cessé de grossir entre 2015 et 2016, pour jaillir en furie avec l’avènement du populiste Trump.
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