"A 6 mois de grossesse, les médecins m'ont dit que j'allais mourir"

lun, 11/14/2016 - 10:47

Pronostic vital engagé, accouchement prématuré, des mois d'isolement en chambre stérile : le parcours de Sandrine ressemble à l'enfer. Mais la jeune femme en a tiré une formidable leçon de vie.

Ce jour-là, Sandrine s'est rendue, confiante, à l'hôpital. Après tout, il ne s'agissait que d'un examen de contrôle. La jeune femme, blonde et pétulante, se sentait tellement en forme qu'elle en était venue à croire que cette deuxième grossesse la dopait naturellement. Le choc n'en fut que plus rude ! "Au pire, je m'attendais à ce qu'on m'annonce une carence en fer. Alors, quand un médecin, l'air grave, m'a dit : « Vous avez une leucémie », j'ai senti le sol se dérober sous mes pieds."

Le premier réflexe de Sandrine est de porter les mains sur son ventre arrondi. "Et mon bébé ?", demande-t-elle. La réponse tombe comme un couperet. A presque six mois de grossesse, il n'est ni possible d'accoucher ni d'avorter. "On m'a expliqué que, dans ce genre de situation, on privilégie la survie de la mère au détriment de l'enfant." Le médecin est catégorique : "Sans chimio, vous ne serez plus là d'ici deux semaines."

Un médecin conseille à ses proches de lui dire adieu

Sept jours plus tard, Sandrine entame son traitement avec un moral de battante. "Je devais être forte pour mon bébé à naître et pour Carly, ma fille aînée, se souvient-elle. Je me disais que d'autres femmes avaient survécu, alors pourquoi pas moi ?" Mais les effets secondaires de la chimio - rétention d'eau, œdèmes, fièvre - sont terribles. Bientôt, elle doit être transférée en réanimation. Ceux qui se relaient à son chevet, au milieu des perfusions et des machines qui bipent sans arrêt, constatent, bouleversés, que le fil qui la relie à la vie est de plus en plus fragile. Jusqu'à ce terrible soir où un médecin conseille à ses proches de lui dire adieu... "Mon mari s'est effondré, soupire Sandrine. Et je me souviens de la voix de mon père qui me répétait : "Bats-toi ! Jusqu'au bout ! » avant que les infirmières le raccompagnent à la porte." La suite, Sandrine s'excuse de ne pas pouvoir la raconter sans pleurer : "Le lendemain matin, vers 11 heures, en proie à des douleurs au ventre insoutenables, j'ai appelé les infirmières pour qu'elles m'aident à me lever. C'est alors que quelque chose a glissé entre mes jambes.

"J'ai cru que j'avais accouché d'un enfant difforme"

J'ai distingué une masse, sans tête et sans membres, et j'ai cru que j'avais accouché d'un enfant difforme..." Il n'en est heureusement rien. Le bébé n'a pas souffert des lourds traitements administrés à sa mère. Il a juste été expulsé avec le placenta, ce qui a induit Sandrine en erreur. Après les premiers soins et un brin de toilette, la jeune accouchée peut même serrer sa petite Jenny - 1,2 kg pour 33 cm - contre sa poitrine. Bonheur de courte durée. Une heure plus tard, la petite prématurée est transférée dans un autre établissement, mieux équipé pour la soigner.

Un combat pour la vie

Désormais, mère et fille doivent mener la bataille pour leur survie, chacune de leur côté. Pour Sandrine, une nouvelle épreuve commence : l'isolement. Son frère se révélant être compatible, une greffe de moelle osseuse est décidée. Mais la procédure implique, après l'intervention, de rester de longues semaines dans une chambre stérile, à l'abri de toute contamination. "Je sombrais dans la déprime. Je n'étais plus une femme pour mon mari, plus une mère pour mes filles. Je ne ressemblais plus à rien. Pire que tout, mon mari avait beau me parler de Jenny, me dire qu'elle était jolie, qu'elle prenait du poids, au fond de moi, je ne ressentais rien pour elle..." Heureusement, les idées noires sont parfois de piètres oracles. Après huit mois d'hospitalisation, Sandrine peut rentrer chez elle.

 

"Personne ne doit rester seul face à la maladie"

De retour à la maison, elle découvre que son mari - précaution aussi touchante qu'inutile - a calfeutré portes et fenêtres et installé un purificateur d'air pour la protéger des miasmes. "C'était une belle marque d'amour, sourit Sandrine, mais à partir du moment où les médecins avaient signé mon bon de sortie, c'est que je ne risquais rien à ce niveau-là." Il lui faudra encore du temps pour reprendre ses marques, retrouver sa place de maman auprès de sa fille aînée, et apprivoiser Jenny, sortie bien avant elle de l'hôpital, et pour qui elle est une étrangère. "Aujourd'hui, je fête mes six ans de greffe. Cela signifie que, normalement, je suis guérie. A travers cette épreuve, j'ai appris à relativiser et à apprécier chaque instant de l'existence." Elle en tire aussi une belle leçon de vie. "Sans mes proches, ma famille, mes amis et le personnel médical, je ne serais pas ici, dit-elle. C'est pourquoi je veux partager mon histoire et aider à mon tour, avec l'Association Restart (06 29 10 21 84) qui regroupe d'anciens patients et accompagnants, pour que personne ne reste seul face à la maladie." "L'enfer, c'est les autres", affirmait le philosophe Jean-Paul Sartre. Sandrine, par son témoignage et son action, lui rétorque que, l'enfer, c'est "sans" les autres

Par Cyril Guinet

closermag.fr

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