Le guide bleu de l’Adrar

mer, 01/17/2018 - 17:55

On se rend vite compte au beau milieu de l’erg Ouarane qu’il serait fort décevant de traverser l’Adrar sans s’attacher les services d’un guide, car sans lui, la randonnée tournerait vite court, voire tournerait vite mal.

 

Du jaune devant, derrière, à droite, à gauche. En haut, du bleu. Et puis le vent incessant. Aucune idée de la distance parcourue, mais Chinguetti semble bien loin. Sensation d’être perdus parmi un océan de dunes.

 

Heureusement, il y a Yeslem Dadah, notre guide. Il est bleu, mesure environ 1m90 et ne se sépare jamais de ses claquettes. D’une main, il montre des traces dans le sable. «Notre caravane est passée par là, l’oasis n’est pas loin», déclare-t-il. Deux dunes plus tard, on aperçoit au loin dromadaires et chameliers. Puis, plus loin encore, l’oasis de Lagueïla et ses palmiers dattiers. Yeslem ne se trompe jamais.

 

C’est qu’il connaît le terrain pour le sillonner depuis le début des années 1990. Désormais allongé à l’ombre des palmiers, il raconte: «Pour la réouverture de la destination, on a gardé les mêmes itinéraires qu’avant, c’est un vieux système qui a fait ses preuves».

 

En revanche, les clients, eux, ont changé depuis le temps béni des premières randonnées chamelières dans l’Adrar: «Les touristes étaient beaucoup moins exigeants. C’étaient des aventuriers. Aujourd’hui, ils veulent vivre l’aventure du désert tout en ayant le confort de la maison. À l’époque, on n’emportait même pas de tente.» Et de conclure, en précisant qu’il n’échangerait son métier contre rien au monde, après y avoir été forcé ces dernières années, suite à la fermeture de la Mauritanie aux touristes: «Le désert est devenu une mode… Mais bon, on s’adapte. Tant qu’ils ne demandent pas une bière avec des glaçons, ça va!» Alors que je jette à mon verre de bissap bien frais un regard gêné, Mohammed, le cuisinier, apporte notre déjeuner: une salade de pâtes cuisinée en un temps record.

 

 

 

Parenthèse culturelle à l’ombre des dattiers

Quelques mots sur l’oasis. Seuls le jardinier et sa famille y résident à l’année. Un pic de fréquentation de juin à septembre, lors de la guetna, la période de récolte des dattes, festive et productive. Nombre de puits dans l’oasis ? «Une dizaine, tout au plus.» Nombre de palmiers? Pris à défaut, Yeslem s’en sort avec une pirouette: «Deux: un mâle, une femelle».

 

Repu d’informations et de pâtes, notre petit groupe sombre bientôt dans le sommeil.

 

Pour Yeslem, la seconde partie de la pause peut débuter. L’heure du thé avec les chameliers et le cuisinier. L’heure également de se caler sur le trajet de l’après-midi et l’emplacement du bivouac de ce soir, de s’enquérir du moral des troupes et de la santé des dromadaires qui broutent quelques massifs d’herbe sèche sous le soleil, à une centaine de mètres de l’oasis. Pas de repos pour les braves.

 

Le guide sonne la fin du nôtre. Les dromadaires sont chargés. Le nécessaire à feu est rangé. Les claquettes sont de retour sous les pieds du guide. Départ imminent direction Mgaligh et le bivouac, là-bas, quelque part derrière le jaune du ciel et le bleu des dunes. Ou peut-être est-ce l’inverse, je suis mal réveillé.

 

 

 

Reportage réalisé pour le magazine A/R à l’occasion d’un voyage

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