Mauvais enfants et parents

mar, 02/28/2017 - 11:51

"La vie sociale en Mauritanie est vraiment bizarre. Comment concevez-vous que des parents qui ont élevé leurs enfants jusqu’à l’âge adulte, leur assurant une bonne éducation, qui trouvent un bon boulot, puissent continuer à les entretenir à leur retraite.

Des gaillards qui jamais ne s’enquièrent ni des factures d’eau et d’électricité, ni de la dépense journalière. Si l’électricité est coupée, ils disparaissent jusqu’à ce que les vieux se décarcassent pour le rétablir. Si un jour, le repas n’est pas préparé, ils chaussent leur sandale et vont chercher d’autres assiettes à piquer ailleurs. Ils ne pensent qu’à leur squelette à habiller, claquent facilement des dizaines de mille pour se couvrir d’étoffe, se payer un parfum dont la valeur équivaut au salaire du père, thésaurisent de l’argent pendant des mois pour se payer une voiture. Mais quand il s’agit de soulager leurs parents d’une journée de dépense, ou d’une facture d’eau ou d’électricité, ils disent qu’ils n’ont rien, si jamais ils sont sollicités. Pire, ils n’hésitent pas amener sans avertir leurs amis pour une journée de ripaille…à la charge de leurs vieux parents.

Dans beaucoup de maisons mauritaniennes, ce phénomène persiste. Mais personne n’osera jamais critiquer cet état de fait. Car socialement, ce n’est pas bien. On ne dit pas par exemple «nous sommes des vieux, nous vous avons élevés, et maintenant vous êtes de grands gaillards et vous bossez. Ou vous participer aux charges ou vous foutez le camp ! »

Chez certaines communautés, pareil langage est une honte. Vous entendre parler de manger, c’est une honte. Alors, les pères et les mères de famille prennent leur mal en patience, dans l’espoir qu’un regain de conscience ou de morale puisse faire prendre à leurs enfants adultes leur responsabilité. Celui de dire «papa, maman, reposez-vous, ne vous fatiguez plus, maintenant c’est à nous de vous prendre en charge ».

Malheureusement, pour l’écrasante majorité des familles mauritanienne, cette prise de conscience ne vient jamais. Le poids des inutiles dans les familles pèsent sur le budget des ménages. Il y a des pères de famille qui ne peuvent même pas se payer un boubou à cause du souci du quotidien, alors que leurs enfants qui travaillent et qui habitent avec eux changent de boubou chaque semaine. Et dans peu de cas, ils offrent quelque chose à leur père. Du genre, «tiens, papa, je t’ai acheté un boubou ». Non, ils semblent même trouver un réel plaisir à le voir habillé de guenilles, et sans de bonnes chaussures.

Cette réalité-là est le fruit d’une longue observation dans beaucoup de familles de quelques proches que j’ai l’habitude de fréquenter souvent.

Il arrive que le père ou la mère pète les plombs et les accablent des pires insanités. «Vauriens ! Quelle est votre utilité dans la vie, sinon entretenir vos petites personnes ! Vous ne valez rien. Nous sommes devenus des vieux et au lieu de participer à vos propres charges, vous utiliser vos salaires pour vos besoins personnels et vous vous déchargez pour le reste sur nous, de pauvres vieux qui non seulement vous ont élevé depuis votre tendre enfance mais doivent encore continuer à vous prendre en charge une fois adulte ».

J’ai même vu un gosse se marier, gâter sa femme en lui louant un appartement. Ce qui a soulagé ses parents. Mais un an après, il divorça et regagna la maison familiale et oublia que pendant une année, il assurait la dépense de sa famille. Il reprit sa vie avec ses parents exactement comme il l’avait laissé. C’est-à-dire aucune participation aux dépenses, mais pour sa carcasse de personnes, il ne l’habille que par les dernières modes. Boubou Izbi à 45.000 UM balles, chaussures à 25.000 UM, et ainsi de suite. Jusqu’à quand cette réalité continuera à persister dans nos société ?

 

Cheikh Aïdara

 

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